Écrit par Geoff Norquay
Le thème de l’incohérence a toujours été une caractéristique de cette campagne. La distance évidente entre les promesses libérales de 2015 et leur performance une fois au pouvoir signifiait qu’Andrew Scheer et les conservateurs allaient attaquer le bilan libéral.
Bon nombre d’électeurs ont vu d’autres incohérences dans les efforts du premier ministre pour harmoniser le développement continu de l’énergie avec la nécessité de s’attaquer au réchauffement climatique, ce qui a mené à l’achat de l’oléoduc Trans Mountain pendant que le gouvernement mettait en place un régime de tarification du carbone à travers le pays.
Avant la campagne, les conservateurs réfléchissaient à une critique similaire à l’égard de M. Trudeau. Lorsqu’ils ont dévoilé leur publicité médiatique payante en mai dernier, son message est devenu plus dur et plus direct à l’endroit du premier ministre : « Justin Trudeau, pas celui qu’il prétend être. »
Avec la campagne en cours, les médias ont baptisé le thème de l’incohérence « hypocrisie », et la course était lancée. Le thème a pris de l’ampleur avec la publication de photos et de vidéos du premier ministre maquillé en noir. Contrairement au dévouement et au respect des minorités dont se vantait M. Trudeau, les images offensantes ont été surprenantes et contredisaient sérieusement son image de marque.
Depuis que les photos de M. Trudeau sont apparues, tout a été en descente avec les maisons de verre de tout le monde ayant subi des dommages. Malgré une piètre performance lors du débat en Français à la chaîne TVA lundi dernier, le chef conservateur Andrew Scheer a pris le premier ministre au piège en dévoilant que sa campagne avait deux avions, l’un pour son personnel et les médias et l’autre pour l’équipement. Mais si un deuxième avion polluant a mal paru relativement aux préoccupations exprimées par les libéraux au sujet du réchauffement climatique, pourquoi les conservateurs n’ont-ils pas pensé à s’isoler en achetant des crédits de carbone pour compenser leurs propres émissions?
M. Scheer a ensuite « marqué un but » dommageable contre lui-même quand il a révélé qu’il a la citoyenneté américaine par l’entremise de son père. Le problème, c’est que dans le passé, Scheer avait vivement critiqué la double citoyenneté de Stéphane Dion, de Thomas Mulcair et de l’ancienne gouverneure générale Michaëlle Jean.
Les observateurs ont immédiatement vu un deux poids, deux mesures, et ils ont également jugé les explications de M. Scheer quant à la raison pour laquelle il avait caché sa citoyenneté américaine aux Canadiens (personne ne lui a jamais demandé) et pourquoi il n’a pas amorcé le processus pour renoncer à sa citoyenneté américaine qu’en août dernier (trop occupé) comme faibles et peu convaincantes. M. Scheer a obtenu une rédemption partielle sur le front de l’hypocrisie plus large avec son congédiement vendredi soir de la candidate conservatrice de Burnaby-Nord—Seymour, Heather Leung, pour ses commentaires extrêmes sur l’orientation sexuelle.
Vendredi dernier, M. Trudeau a ajouté à ses références d’incohérence avec sa décision de lancer une contestation devant un tribunal fédéral contre la décision de la Commission canadienne des droits de la personne (CCDP) selon laquelle les enfants et les familles autochtones devraient être indemnisés pour le sous-financement fédéral du système de protection de l’enfance dans les réserves.
La conclusion de la CCDP place le gouvernement sur la sellette pour des milliards de dollars en paiements et exige également que le régime d’indemnisation soit en place d’ici le 10 décembre, ce qui est un délai impossible compte tenu des consultations nécessaires avec les parties concernées. Malgré l’affirmation du gouvernement selon laquelle il reconnaît la conclusion de discrimination systémique et ne s’oppose pas au principe de l’indemnisation, les détracteurs de l’appel en cour soutiennent qu’il va à l’encontre des promesses de M. Trudeau de rétablir les relations fédérales avec les Canadiens autochtones et poursuivre la réconciliation sur tous les fronts. Bien que les justifications du gouvernement pour l’appel soient raisonnables et qu’Andrew Scheer ait promis de lancer un appel similaire, le cadre d’hypocrisie maintenant dominant de la campagne jette inévitablement les actions du gouvernement sous un jour négatif.
Aidés et encouragés par les médias, les libéraux et les conservateurs ont réussi à armer l’hypocrisie les uns contre les autres au cours de cette campagne. Les résultats ont été mesquins, peu édifiants et autodestructeurs. Les partis ne devraient pas être surpris si leur récompense le jour de l’élection est que les Canadiens restent massivement à l’écart des bureaux de vote.
Les Canadiens ne sont pas très surpris lorsqu’ils trouvent que leurs politiciens sont faillibles et ils sont généralement prêts à leur donner un laissez-passer s’ils commettent des erreurs et qu’ils promettent de faire mieux. Mais quand les politiciens essaient de prétendre qu’ils sont parfaits tout en se souillant les uns les autres, ils ne font qu’accroître la distance entre l’électeur individuel et l’engagement politique.