Écrit par Yaroslav Baran
La dynamique parlementaire est très différente dans un contexte minoritaire, par rapport à un environnement majoritaire dans lequel le gouvernement sait qu’il peut finalement imposer sa volonté par la force du nombre. La principale manifestation se trouve dans les comités, où les libéraux n’auront pas le nombre pour contrôler la direction des débats. Cela plusieurs dimensions pratiques :
- Les progrès législatifs peuvent être encore plus lents qu’ils ne l’étaient lors de la dernière législature, la majorité des membres des comités ne coopérant pas avec le programme du gouvernement et ne cherchant pas à l’accélérer;
- La majorité de l’opposition au sein des comités sera habilitée à proposer d’autres pistes de travail contraires au programme du gouvernement ou à éroder l’image de marque du gouvernement;
- Les comités sont généralement le lieu des enquêtes parlementaires, compte tenu de leur liberté d’ouvrir toutes les études de leur choix dans le cadre de leurs politiques et de leur pouvoir juridique théoriquement illimité d’assigner des personnes et des documents.
Pour illustrer ce propos, rappelez-vous la brève étude du Comité d’éthique sur la question de SNC Lavalin au printemps dernier et imaginez la direction qu’elle aurait pu prendre si les libéraux n’avaient pas obtenu une majorité déterminante des voix au sein du comité.
La bonne nouvelle pour le gouvernement est que les comités ne siégeront pas avant le Nouvel An, ce qui laissera au leader du gouvernement et au Cabinet du premier ministre le temps d’évaluer cette dynamique et de planifier des approches pour s’y orienter. En fait, alors que le premier ministre entame une discussion avec le NPD pour déterminer s’il convient d’établir une relation de travail similaire à celle de la Colombie-Britannique plutôt que de gouverner vote par vote, l’apaisement des comités semble être l’une des principales motivations pour lesquelles M. Trudeau voudrait conclure une entente.
D’autres aspects du travail parlementaire – trouver les voix nécessaires pour adopter une loi et survivre aux votes de confiance – ne devraient pas être particulièrement difficiles compte tenu de la configuration actuelle des partis et du chevauchement considérable de leurs programmes politiques. L’élimination du risque d’enquêtes potentielles des comités constituerait cependant un véritable prix qui faciliterait la vie du gouvernement – et donnerait presque l’impression d’une majorité.
Comment les comités sont-ils formés? Ils doivent être reconstitués après chaque élection et, à l’exception de plusieurs comités opérationnels codifiés dans le livre des règles de la Chambre des communes, chaque législature a la capacité de créer les comités de son choix. Dans l’ensemble, ils ont cependant tendance à suivre l’attribution générale des rôles du Cabinet et de l’organisation des ministères. Les comités sont négociés par les whips des partis, qui chercheront à reproduire la position proportionnelle des partis au sein des comités. Sans vouloir présager les négociations, nous devrions probablement nous attendre à quelque chose dans l’ordre de comités de 15 personnes; à cette taille, le plus petit parti officiel (le NPD) aurait droit à un siège, représentant 7 % des sièges à la Chambre des communes.
Une partie de la philosophie qui influence le comportement du Sénat peut également commencer à être remise en question. Le Groupe sénatorial indépendant s’est inspiré du prétendu principe de Salisbury – l’opinion selon laquelle, en tant que Chambre non élue, la Chambre haute devrait en dernier recours s’en remettre à la Chambre des communes, de laquelle relève le gouvernement. Avec un gouvernement reposant sur 33 % du vote populaire, le principe selon lequel « le gouvernement devrait obtenir ce qu’il veut, car il a été élu » devient un argument plus faible. Nous pourrions nous attendre à des contestations sur l’hégémonie actuelle du principe de Salisbury en tant que doctrine directrice, potentiellement manifeste dans une culture du Sénat qui soit encore plus indépendante.
Sur la question générale de savoir quand le Parlement sera convoqué – il s’agit ultimement d’une question politique. Compte tenu de la forte position minoritaire des libéraux – et du fait qu’il s’agit d’un prolongement du gouvernement en place – il n’y aura pas d’impératif immédiat d’établir la confiance. La confiance sera largement assumée. Le résultat est l’un des rares scénarios possibles dans lequel un gouvernement pourrait attendre jusqu’au Nouvel An pour convoquer la législature, prenant ainsi le temps supplémentaire nécessaire pour se reconfigurer face à la nouvelle réalité. La décision finale quant à l’ouverture de la Chambre des communes sera régie par des considérations de relations publiques et non par des impératifs de procédure.