Budget Fédéral 2022

Budget Fédéral 2022

Un plan pour faire croître notre économie et rendre la vie plus abordable

Le gouvernement fédéral a publié son plan budgétaire pour 2022. Après plusieurs années de dépenses gouvernementales extraordinaires en réponse à la pandémie de COVID-19, le budget de cette année tente de répondre aux préoccupations concernant l’augmentation du coût de la vie et les problèmes d’accessibilité pour les Canadiens à travers le pays, en se concentrant sur des investissements ciblés dans le logement, l’innovation et l’économie verte. Le document cherche également à démontrer le désir du gouvernement de revenir à des niveaux de dépenses plus « normaux » et de s’attaquer à la hausse des niveaux d’endettement. Cela inclut la présentation de nouvelles mesures visant à augmenter les revenus du gouvernement.

Gérer les pressions sur les dépenses et assurer la croissance

En élaborant le budget de cette année, la vice-première ministre et ministre des Finances Chrystia Freeland a dû faire face à un environnement économique et politique difficile. Le taux d’inflation au Canada s’élève maintenant à 5,7 %, son plus haut niveau en 31 ans et les problèmes de la chaîne d’approvisionnement continuent de perturber l’économie et de faire augmenter les prix des produits de base. La Banque du Canada a indiqué qu’elle était « prête à agir énergiquement » sur l’inflation. De nombreux économistes du secteur privé craignent que l’augmentation des dépenses fédérales ne stimule trop une économie déjà surchauffée.

Vice-première ministre et ministre des Finances Chrystia Freeland. THE CANADIAN PRESS/Adrian Wyld

Lors des élections de l’automne dernier, les libéraux ont promis de dépenser 78 milliards de dollars supplémentaires d’ici 2025-2026 pour des programmes nouveaux et améliorés. Certaines des dépenses décrites dans le document budgétaire donnent suite à certaines promesses électorales. De plus, la guerre de la Russie contre l’Ukraine a ajouté un impératif urgent de répondre aux nouvelles réalités géopolitiques. Ce budget est également le premier test de l’accord d’approvisionnement et de confiance récemment négocié entre les libéraux et les néo-démocrates.

La combinaison de l’inflation et de la forte hausse des prix de l’énergie a créé une manne de revenus imprévue pour le gouvernement fédéral, ce qui lui a donné la souplesse nécessaire pour les nouvelles dépenses annoncées. Le budget reflète les compromis que le gouvernement a faits entre les grands postes de dépenses – soins de santé, logement, changement climatique et défense – sur l’horizon de planification de cinq ans.

Outre la restriction des dépenses, les chefs d’entreprise et les économistes des banques attendaient des politiques et des mesures favorables à la croissance pour combler le retard du Canada en matière de PIB et de productivité. Il reste à voir si ce budget a répondu à ces attentes avec ses initiatives notables en matière d’innovation et d’investissement.

La ministre des Finances a également indiqué clairement dans son discours sur le budget que le gouvernement fédéral mettait fin aux dépenses liées à la pandémie qui ont contribué à des niveaux de déficit sans précédent ces dernières années. Il convient de noter que, dans le but de s’assurer que les grandes institutions financières soutiennent la reprise générale du Canada, le budget propose d’introduire un « dividende pour la relance du Canada » qui obligera les banques et les groupes d’assureurs-vie à payer un impôt unique de 15 % sur le revenu imposable supérieur à 1 milliard de dollars pour l’année fiscale 2021. Cette mesure reconnaît que le soutien financier extraordinaire offert par le gouvernement fédéral tout au long de la pandémie a permis à de nombreuses institutions financières de réaliser des bénéfices importants et de se rétablir plus rapidement.

Selon les chiffres

Dans le texte du document budgétaire de près de 300 pages, le gouvernement dévoile 60 milliards de dollars de nouvelles dépenses au cours des cinq prochaines années. Cela dit, grâce à une reprise économique meilleure que prévu, les dépenses nettes devraient représenter environ la moitié de ce montant.

Le document montre que le déficit fédéral devrait s’établir à 113,8 milliards de dollars pour 2021-2022. Il s’agit d’une baisse par rapport aux 144,5 milliards de dollars estimés dans la mise à jour économique et financière de l’automne dernier.

Le budget respecte le point d’ancrage budgétaire du gouvernement, en maintenant le ratio de la dette au PIB sur une tendance à la baisse.

Analyse

Le budget 2022 met l’accent sur les incertitudes actuelles, notamment l’invasion de l’Ukraine par la Russie, les perturbations de la chaîne d’approvisionnement et les menaces que ces deux facteurs font peser sur la croissance mondiale. Il prévoit également la poursuite de l’inflation avec les effets perturbateurs qu’elle aura. Compte tenu de ces incertitudes, le ministère des Finances du Canada a tempéré ses prévisions budgétaires et économiques par deux scénarios, reflétant des répercussions « accrues » et « modérées » qui affaibliraient les résultats économiques et budgétaires.

Il existe une tension entre la politique fiscale, qui prévoit de nouvelles dépenses substantielles de l’ordre de plusieurs dizaines de milliards au cours des cinq prochaines années, avec l’impact stimulant qui en découle, et la politique monétaire, qui se dirige vers un resserrement substantiel par le biais de taux d’intérêt plus élevés dès la semaine prochaine. Il existe une tension similaire entre l’augmentation des dépenses du gouvernement et l’impact inflationniste potentiel de ces dépenses.

Il semble clair que ces deux tensions ont été exacerbées par la nécessité d’un acompte immédiat pour la défense, à l’aube d’un examen qui pourrait bien mener à la mise en œuvre de l’objectif de deux pour cent du PIB pour l’OTAN au fil du temps, ainsi que par la décision de lancer le plan de soins dentaires dans le cadre de l’accord d’offre et de confiance entre les libéraux et les néo-démocrates. Le programme de logement est une autre source de dépenses destinée à remédier à la pénurie de logements et à son impact sur le coût de la vie pour les Canadiens à revenu modeste et moyen. Il s’agit de la principale réponse à la question politiquement difficile de l’abordabilité. Il vise à augmenter l’offre plutôt qu’à stimuler la demande.

Une bonne partie des nouvelles dépenses est destinée à la consommation plutôt qu’à la croissance, bien que le gouvernement insiste sur le fait qu’il s’agit d’un programme d’amélioration de la croissance et de la productivité. Il existe un nouveau fonds de croissance de 15 milliards de dollars et une nouvelle agence d’investissement pour soutenir l’argument de croissance du gouvernement. Les deux n’ont pas encore été présentés. En outre, le budget d’aujourd’hui renforce les supergrappes (désormais appelés « grappes d’innovation ») – un des principaux véhicules de l’innovation – en leur accordant cinq années supplémentaires de financement. Pour ce qui est de l’avenir, malgré les mesures de croissance annoncées dans le budget, le PIB réel, qui dépassait largement les trois pour cent, se stabilisera à deux pour cent et moins à partir de 2024.

Le gouvernement a pu utiliser la manne de recettes fiscales (près de 90 milliards de dollars depuis l’énoncé économique de l’automne) accumulées grâce à l’augmentation du PIB nominal due à l’inflation et à la hausse des prix de l’énergie pour financer les dépenses supplémentaires. Le gouvernement fait le pari que sa trajectoire budgétaire montre des progrès suffisants pour étayer la prétention de la ministre à la prudence budgétaire. Elle montre une diminution du niveau des déficits et une baisse du ratio de la dette au PIB. Mais bien sûr, ces deux indicateurs auraient connu des baisses plus marquées si une plus grande part des recettes exceptionnelles avait été affectée aux résultats.

Néanmoins, le déficit tombe à un confortable 1,4 % du PIB en deux ans et à seulement 0,3 % du PIB à la fin de l’horizon de cinq ans. La diminution du ratio de la dette au PIB est beaucoup plus lente en raison de la dette liée à la pandémie de COVID-19 accumulée au cours des deux dernières années. Les projections économiques montrent que l’augmentation des recettes provenant de l’inflation diminuera au fil du temps, l’IPC redescendant à une valeur moyenne de deux pour cent d’ici 2023.

La complexité de l’environnement économique et géopolitique actuel, qui évolue rapidement à l’échelle mondiale et nationale, a fait en sorte qu’un certain nombre de décisions relatives aux dépenses de programmes ministériels ont été reportées à un processus vraisemblablement distinct. Il est probable que le gouvernement les a intégrées dans le cadre financier et qu’il prendra les décisions individuelles à leur sujet dans les semaines et les mois à venir.

Nouvelles initiatives majeures

Logement

Le logement est l’une des principales priorités du budget fédéral, qui prévoit des dépenses d’environ 10 milliards de dollars pour résoudre les problèmes d’accessibilité au logement des Canadiens au cours des cinq prochaines années. Reprenant plusieurs initiatives présentées dans leur programme électoral de 2021 et visant l’offre de logements, les libéraux vont de l’avant avec des plans pour légiférer sur l’interdiction de la propriété étrangère des propriétés résidentielles au Canada pour les deux prochaines années et pour mettre en œuvre un nouveau compte d’épargne libre d’impôt pour la première maison afin de permettre aux acheteurs d’une première maison d’épargner jusqu’à 40 000 $.

Dans la section du budget consacrée au logement, on s’engage également à investir : quatre milliards de dollars pour aider les municipalités à mettre à jour leurs systèmes de zonage et de permis afin de soutenir la construction de propriétés résidentielles par le biais du Fonds pour accélérer la construction de logements; un milliard de dollars pour le logement abordable; et 1,5 milliard de dollars en prêts et en financement pour les coopératives d’habitation.

Dans le cadre du récent accord d’approvisionnement et de confiance conclu avec le NPD, les libéraux se sont engagés à donner suite à l’engagement pris dans leur plate-forme de lancer un fonds pour accélérer la construction de logements afin de stimuler l’offre de logements au taux du marché en encourageant la construction de logements par la réduction des formalités administratives au niveau municipal. Ce nouveau fonds visera la création de 100 000 nouveaux logements nette au cours des cinq prochaines années.

Croissance et innovation

Le budget 2022 comprend plusieurs mesures visant à stimuler la productivité canadienne, qui est à la traîne, en mettant l’accent sur un programme de croissance global. En effet, dans ses remarques, la ministre Freeland a reconnu que les indicateurs de productivité et d’innovation du Canada sont à la traîne et constituent « le talon d’Achille de l’économie canadienne ».  

Pour aider à guider les progrès, le budget indique l’intention du gouvernement d’établir un conseil permanent de conseillers économiques pour aider à fournir des options stratégiques et des conseils sur le renforcement des perspectives de croissance économique à long terme du Canada. D’autres détails sur la composition du Conseil sont encore à venir.

En mettant l’accent sur la transition vers l’économie verte, le budget propose d’établir le Fonds de croissance du Canada afin d’attirer des capitaux et des investissements privés internationaux au Canada. Le fonds fonctionnera sans lien de dépendance avec le gouvernement fédéral et sera initialement capitalisé à hauteur de 15 milliards de dollars au cours des cinq prochaines années, l’objectif étant d’attirer au moins trois dollars de capitaux privés pour chaque dollar investi à partir de fonds publics.

Le gouvernement fédéral propose également de créer une agence fédérale indépendante pour l’innovation et l’investissement qui travaillera avec les industries et les entreprises canadiennes pour soutenir l’augmentation des investissements dans l’innovation et la R-D afin de faire du Canada un leader mondial dans ce domaine. De plus amples détails sur la conception et le mandat de cette agence sont prévus dans la mise à jour économique et financière de l’automne 2022.

Alors que la lettre de mandat du ministre de l’Innovation, de la Science et de l’Industrie lui confiait la tâche d’établir une « approche typiquement canadienne inspirée de la Defense Advanced Research Projects Agency (DARPA) », la nouvelle agence d’investissement semble s’inspirer de la Finlande et d’Israël pour faire passer les idées sur le marché.

Du côté de la R-D, le gouvernement entreprendra également un examen du programme de la recherche scientifique et du développement expérimental (RS&DE) pour s’assurer que le programme encourage efficacement la R-D au Canada.

Défense

Comme cela avait été largement anticipé, le gouvernement a augmenté le budget de la défense, l’augmentant de 7,2 milliards de dollars sur cinq ans à environ 41 milliards de dollars par an en 2026-2027. Cela représenterait, en 2026-2027, une augmentation d’environ 22 % par rapport aux dépenses de défense de 2021-2022. Ce chiffre est toutefois bien en deçà de la « Déclaration du Sommet du Pays de Galles » de 2014, dans laquelle les pays membres de l’OTAN s’étaient engagés à consacrer au moins 2 % de leur PIB à la défense d’ici 2024. Selon le rapport annuel 2021 de l’OTAN, le Canada a consacré 33,6 milliards de dollars, soit 1,36 % du PIB, à la défense, ce qui le place au 25e rang sur 30 membres de l’OTAN.

Le livre blanc sur la défense « Protection, Sécurité, Engagement » publié par le gouvernement en 2017 a précipité l’élaboration d’un plan d’investissement détaillé pour la défense en 2018, qui visait une augmentation modeste des dépenses de défense, jusqu’à 1,5 % d’ici 2024, puis une diminution. Si le gouvernement avait l’intention d’atteindre le seuil de 2 % des dépenses du PIB à la date cible de 2024, alors, en termes nominaux, le MDN aurait besoin d’une dépense budgétaire annuelle d’environ 54 à 56 milliards de dollars en 2024, selon le directeur parlementaire du budget. 

Avant la publication du budget, la plupart des observateurs s’accordaient à dire qu’un budget de défense de 2 % serait un « pont trop loin » pour que le système d’approvisionnement dysfonctionnel du Canada puisse l’absorber, et trop riche pour que le gouvernement l’envisage alors que les dépenses relatives aux programmes sociaux et à la transition énergétique demeurent clairement primordiales pour le Cabinet. De plus, le pouvoir d’achat de ce budget accru sera miné par l’inflation et ne permettra peut-être pas d’acquérir la totalité des 88 avions F-35 et des 15 nouveaux navires de combat de surface pour la marine, et encore moins de répondre à la nécessité d’augmenter les salaires et les avantages sociaux pour attirer de nouveaux membres des Forces armées canadiennes. D’importants investissements futurs seront nécessaires pour recapitaliser le MDN, acquérir l’équipement dont les militaires ont besoin et investir dans le capital humain nécessaire à une armée saine.

Les investissements dans la défense décrits dans le budget fédéral de 2022 sont principalement axés sur la modernisation de NORAD, la refonte de la culture des Forces canadiennes ainsi que la mise en réserve de fonds pour une aide militaire supplémentaire à l’Ukraine. Un montant de 875 millions de dollars est également prévu pour soutenir l’amélioration des capacités du Canada en matière de cybersécurité. Il convient de noter que le budget annonce le lancement d’un examen de la politique de défense afin de mettre à jour la politique de défense existante.

Réconciliation avec les Autochtones

À la suite du règlement de 40 milliards de dollars conclu par le gouvernement fédéral avec les groupes des Premières Nations, des Inuits et des Métis en janvier de cette année au sujet du sous-financement systémique des services de protection de l’enfance pour les enfants autochtones et leurs familles, le budget 2022 propose de dépenser 11 milliards de dollars supplémentaires au cours des six prochaines années. Cela comprend quatre milliards de dollars pour soutenir la mise en œuvre du principe de Jordan et 87,4 millions de dollars au cours des trois prochaines années pour mettre en œuvre les lois sur la protection de l’enfance autochtone en coordination avec les communautés autochtones, les provinces et les territoires.

Le budget 2022 prévoit également quatre milliards de dollars supplémentaires sur sept ans pour combler le manque de logements dans les communautés autochtones, dont 2,4 milliards de dollars pour le logement dans les réserves. De plus, pour aider à respecter l’engagement de mise en œuvre complète et efficace de la Loi sur la déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, le budget prévoit 75 millions de dollars sur cinq ans pour l’élaboration conjointe d’un plan d’action avec les partenaires autochtones.

Soins de santé

La pièce maîtresse du volet santé du budget fédéral était sans aucun doute le lancement d’un programme de soins dentaires de 5,3 milliards de dollars sur cinq ans à compter de 2022. Le programme, qui s’adressera d’abord aux jeunes, puis aux personnes âgées et aux personnes handicapées, visera les niveaux de revenu inférieurs à 70 000 $ par an. Proposé par le NPD et inclus dans les programmes des deux partis lors des dernières élections fédérales, le récent accord d’approvisionnement et de confiance entre les libéraux et les néo-démocrates a clairement accéléré la portée et la mise en œuvre de ce programme.

On continue de mettre l’accent sur un « projet de loi sur l’assurance-médicaments du Canada » qui devrait être adopté d’ici la fin de 2023, après quoi une nouvelle Agence canadienne du médicament favoriserait l’élaboration d’un formulaire national de médicaments essentiels qui comprendrait des achats en vrac. Sans fonds identifiés dans ce budget, la portée et le coût de ce programme demeurent une question ouverte importante dans un espace chargé de sensibilités politiques.

Les provinces exprimeront probablement à nouveau leur inquiétude quant au manque d’engagement clair concernant l’augmentation annuelle de cinq pour cent des paiements du Transfert canadien en matière de santé par rapport à l’objectif actuel de trois pour cent, bien que le budget continue d’indiquer d’autres possibilités de financement, en grande partie liées aux domaines prioritaires fédéraux, notamment la santé mentale et les soins primaires.

Le texte du budget laisse entrevoir des négociations à venir. « Toute discussion entre le gouvernement fédéral et les provinces et les territoires portera sur la production de meilleurs résultats en matière de soins de santé pour les Canadiens. Dans le but de renforcer les soins de santé publics, le gouvernement fédéral continuera de mettre l’accent sur la promotion des priorités des Canadiens, comme un meilleur accès aux soins de santé primaires et de santé mentale, les soins en établissement de longue durée, à domicile et en milieu communautaire, les soins dentaires et l’utilisation efficace de données et de systèmes numériques de haute qualité. » Compte tenu de ce qui n’était pas dans le budget d’aujourd’hui, ces discussions seront certainement animées.

Les priorités en matière de santé mentale et cérébrale signalées dans le discours du Trône et les lettres de mandat ont également été incluses dans les nouvelles mesures budgétaires en matière de santé. Des investissements supplémentaires nécessaires dans la constitution d’approvisionnements et la préparation aux pandémies ont complété les engagements du gouvernement en matière de santé.

Investissements dans le domaine du changement climatique et de la transition énergétique

Le budget 2022 utilise une combinaison d’outils fiscaux, d’organismes d’investissement nouveaux et existants et d’approches sectorielles ciblées pour soutenir le Plan de réduction des émissions pour 2030 et modifier la trajectoire des émissions de l’économie canadienne. En plus des 100 milliards de dollars que le gouvernement libéral a alloués dans les budgets précédents, cette année comprend 9,1 milliards de dollars supplémentaires spécifiquement identifiés pour les investissements dans l’électricité à zéro émission, notamment pour la Boucle de l’Atlantique et le Lien des Prairies, la transmission, l’électricité renouvelable, l’infrastructure du réseau, les petits réacteurs modulaires, l’hydrogène et l’entreposage des batteries.

La fabrication et l’adoption de véhicules de tourisme à zéro émission, qui devraient être adoptés à grande échelle d’ici 2035, occupent une place prépondérante. Transports Canada poursuivra son programme d’incitation de 5 000 $ et d’autres ministères soutiendront les nouvelles infrastructures de chargement et de ravitaillement. L’électrification des véhicules moyens et lourds est également encouragée. Une stratégie sur les minéraux critiques reconnaît le lien entre les possibilités minières du Canada et le développement de la technologie d’entreposage des batteries pour nos stratégies en matière d’électricité et de véhicules électriques. 

De nouveaux crédits d’impôt importants ont été introduits pour le captage, l’utilisation et le stockage du carbone (CUSC), le déploiement de technologies propres et le remboursement du prix du carbone aux petites et moyennes entreprises dans les provinces clés. La technologie agricole et les programmes de réduction des émissions à la ferme comprennent des possibilités pour les agriculteurs dans la stratégie 2030. 

L’effet de levier des investissements des secteurs privé et public dans l’économie net zéro est un élément clé de la stratégie du gouvernement. En s’appuyant sur les outils existants, il a prolongé le Fonds pour une économie à faibles émissions de carbone et élargi le mandat de la Banque de l’infrastructure du Canada afin d’injecter des fonds dans un ensemble plus diversifié de projets d’énergie propre. La transition énergétique figure également en bonne place dans un nouveau Fonds de croissance de 15 milliards de dollars et dans une Agence canadienne d’innovation et d’investissement.

Il ne fait aucun doute que le gouvernement s’oriente vers une stratégie plus réaliste de « toutes ces réponses » en matière de transition énergétique, mais le défi consiste à savoir si l’éventail des investissements gouvernementaux se traduira réellement par des capitaux privés investis dans l’économie canadienne, soutenant la croissance et l’emploi, et accélérant un avenir net zéro. 

Bien qu’il soit de nature plus technique, il convient de noter que le budget prévoit l’élimination progressive des actions accréditives pour le pétrole, le gaz et le charbon, qu’il vise un flux de capital net zéro par le biais des fonds de pension avec un Conseil d’action en matière de finance durable et qu’il introduit des divulgations sur le climat pour toutes les institutions réglementées au niveau fédéral que le BSIF supervisera.

Plan de réduction des émissions

Le 29 mars, le ministre d’Environnement et Changement climatique, Steven Guilbeault, a déposé au Parlement le Plan de réduction des émissions du gouvernement fédéral pour 2030 en vertu de la Loi canadienne sur la responsabilité en matière de carboneutralité, le plan du pays pour atteindre une économie net zéro d’ici 2050.

Dans le cadre du plan 2030, le gouvernement fédéral s’engage à réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) à 40 % de moins que les niveaux de 2005, un objectif qui se traduit par une réduction des émissions à un maximum de 443 mégatonnes en 2030. En 2019, le Canada a émis 730 mégatonnes de gaz à effet de serre, selon le gouvernement fédéral.

Vu de l’extérieur, le PRE 2030 semble complet et crédible, le plan national le plus étendu et le plus détaillé à ce jour.

Le rapport décrit cinq domaines qui représenteront les deux tiers des réductions d’émissions nécessaires pour atteindre les objectifs de 2030. Il s’agit de l’augmentation continue du régime canadien de tarification de la pollution, du plafonnement des émissions du secteur pétrolier et gazier, de la norme sur l’électricité propre, des politiques de réduction des émissions liées à l’utilisation des terres et du renforcement de la Norme sur les combustibles propres (NCP).

Afin d’aider l’industrie à développer et à adopter des technologies propres sur la voie de la production net zéro d’ici 2050, le Canada se positionne pour que les industries soient vertes et compétitives avec une variété de programmes d’investissement technologique et un engagement à aider les provinces à faire la transition de leurs réseaux électriques vers des sources d’énergie net zéro telles que les petits réacteurs modulaires (PRM) nucléaires. Un nouvel outil sera les crédits d’impôt à l’investissement du captage, l’utilisation et le stockage du carbone (CUSC) pour encourager l’adoption de cette technologie.

Au cours des dernières années, le gouvernement fédéral a mis en place un certain nombre de programmes de financement pour promouvoir l’innovation et réduire les émissions de GES. Le Fonds stratégique pour l’innovation (FSI) est le plus important à ce jour, fournissant un financement pour les grands projets, avec des demandes de plus de 10 millions de dollars sous plusieurs volets d’admissibilité. Le budget 2021 a prévu une augmentation du FSI de 7,2 milliards de dollars sur sept ans (jusqu’à l’exercice 2027-2028). Des fonds pour des programmes plus petits ont également été créés, notamment le Fonds de réduction des émissions de 675 millions de dollars pour aider les entreprises pétrolières et gazières canadiennes à réduire leurs émissions de méthane. Ressources naturelles Canada a lancé en 2021 le Fonds pour les combustibles propres, doté de 1,5 milliard de dollars, afin de soutenir les installations nouvelles et existantes de production de combustibles propres, notamment l’hydrogène, le gaz naturel renouvelable et d’autres carburants synthétiques et durables.

Pour le secteur agricole canadien, le Fonds d’action à la ferme pour le climat, doté de 200 millions de dollars, vise à aider les fermes et les producteurs à réduire leurs émissions de GES, à stocker le carbone et à adopter de meilleures pratiques pour gérer les émissions à la ferme. Le Programme des technologies propres en agriculture vise également à financer le développement et l’adoption de technologies propres et à promouvoir une croissance durable grâce à des contributions directes d’Agriculture et Agroalimentaire Canada. Le secteur doit relever un défi de taille pour répondre à des besoins concurrents. On demande aux agriculteurs et aux producteurs de réduire les émissions et l’utilisation d’engrais et de pesticides, tout en augmentant les rendements pour les marchés nationaux et internationaux. L’augmentation des rendements de cultures comme le canola est nécessaire pour aider à nourrir la population croissante au Canada et à l’étranger, compte tenu de l’agitation internationale, et pour fournir des matières premières à l’appui des biocarburants et d’une norme de carburant propre.

Pour parvenir à d’importantes réductions d’émissions au cours des huit prochaines années, soit jusqu’en 2030, puis au cours des deux décennies suivantes, soit jusqu’en 2050, il faut adopter une approche intégrée des programmes d’investissement permanents, des politiques et de la législation afin de répondre à l’ambition des objectifs. En fin de compte, les réalisations du Canada seront jugées en fonction des réductions réelles des émissions de GES pour les Canadiens. Les prochains rapports sur les progrès réalisés par le gouvernement fédéral en vue d’atteindre les objectifs de réduction des émissions de 2030 devraient être publiés en 2023, 2025 et 2027, comme le prévoit la Loi sur la responsabilité en matière de carboneutralité. Les progrès du Canada seront également évalués avec ceux des 196 autres pays partis à l’Accord de Paris. 

Autres faits saillants

  • 1,5 milliard de dollars seront consacrés au soutien des chaînes d’approvisionnement en minéraux critiques et le Fonds stratégique pour l’innovation recevra jusqu’à un milliard de dollars pour soutenir les applications de fabrication, de traitement et de recyclage des minéraux critiques.
  • Transports Canada recevra 450 millions de dollars sur cinq ans pour soutenir les projets de la chaîne d’approvisionnement et les réseaux de transport.
  • Les grappes d’innovation existantes bénéficient d’un nouveau financement de 750 millions de dollars pour les cinq prochaines années.
  • Le gouvernement investira 160 millions de dollars sur cinq ans pour protéger la recherche et la propriété intellectuelle canadiennes contre les menaces étrangères.
  • Transports Canada et Infrastructure Canada recevront 400 millions de dollars pour planifier et concevoir un train à grande vitesse entre Toronto et Québec.
  • Un Fonds d’infrastructure pour l’apprentissage des jeunes enfants sera financé à hauteur de 625 millions de dollars sur quatre ans à partir de 2023-2024.
  • Le gouvernement investira 385 millions de dollars pour faciliter l’entrée au Canada d’un nombre croissant d’étudiants, de travailleurs et de visiteurs, et 1,3 milliard de dollars pour soutenir la stabilité et l’intégrité du système d’asile canadien.
  • Pour renforcer la cybersécurité du Canada, le gouvernement investira 875 millions de dollars sur cinq ans.

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