• Juin 09, 2025
  • Perspectives

L’Assemblée nationale conclut sa session législative du printemps

La session du printemps à l’Assemblée nationale pourrait être résumée en un mot : courage, selon le premier ministre François Legault. Les travaux ont été suspendus pour l’été le 6 juin, suite à plusieurs mois marqués par l’incertitude économique provoquée par les menaces de tarifs et un contexte économique mondial difficile. Comme ailleurs au Canada, les dirigeants québécois ont mis l’accent sur la protection de l’économie et de ses secteurs clés face à ces menaces tarifaires, tout en participant aux discussions nationales sur l’accélération des grands projets et l’élimination des barrières commerciales interprovinciales. L’approche du premier ministre Carney concernant les relations Canada–États-Unis et les projets d’envergure nationale a amené un changement notable de ton chez François Legault, qui s’exprime de plus en plus en faveur des initiatives fédérales et de la collaboration interprovinciale.

Malgré un contexte difficile, l’économie québécoise s’en tire mieux que certaines régions du Canada, comme l’a souligné le budget en mars. Le premier ministre a fait valoir que la province continue de surpasser la moyenne nationale, avec une croissance de 2,6 % du PIB par habitant depuis 2018, alors que le reste du pays affiche un recul de 2,1 %. Du côté des salaires, le Québec a enregistré une hausse de près de 9 % durant la même période, comparativement à seulement 4,8 % ailleurs au Canada. Cela dit, les dépenses publiques demeurent élevées, avec un déficit budgétaire prévu de 13,6 milliards de dollars, ce qui a contribué à une baisse de la cote de crédit de la province. La société d’investissement du gouvernement, Investissement Québec, a annoncé 4,7 milliards de dollars en financement pour l’exercice 2024-2025, dont 2,7 milliards investis dans des secteurs stratégiques de l’économie québécoise.

François Legault a réitéré son intention de demeurer à la tête du gouvernement et de briguer un troisième mandat majoritaire en octobre 2026 sous la bannière de la CAQ. Il a également affirmé qu’il ne prévoyait pas de remaniement ministériel, malgré des bouleversements importants lors de la dernière session : les ministres Fitzgibbon (Économie, Innovation et Énergie) et Caire (Cybersécurité et Numérique) ont démissionné, tandis que le ministre Dubé (Santé) a annoncé qu’il ne solliciterait pas un nouveau mandat en 2026, bien qu’il reste en fonction pour l’instant.

L’économie du Québec est fortement exposée aux impacts négatifs des tarifs américains. Parmi les 40 villes canadiennes les plus vulnérables aux tarifs, sept sont situées au Québec, selon la Chambre de commerce du Canada. Pour plusieurs secteurs clés de l’économie québécoise—comme l’aluminium, l’acier, la foresterie, l’agroalimentaire, l’aérospatiale et les produits pharmaceutiques—les États-Unis demeurent le principal marché d’exportation. La dernière vague de tarifs imposée par l’administration Trump, qui est entrée en vigueur le 5 juin, cible l’aluminium et l’acier. Le premier ministre François Legault a qualifié ces tarifs de « complètement injustifiés » et a souligné que ces mesures causeront des torts considérables à l’économie du Québec.

La menace des tarifs a forcé une réévaluation des relations économiques du Québec à plusieurs niveaux, en particulier avec ses partenaires commerciaux internationaux, notamment en Europe, où la province dispose d’un réseau de délégués généraux et de conseillers commerciaux. François Legault et la ministre de l’Économie, Christine Fréchette, se rendront au Salon du Bourget à la mi-juin dans l’espoir de discuter des priorités communes avec leurs homologues, notamment en défense et les minéraux critiques.

En matière de projets de pipelines interprovinciaux, le gouvernement québécois s’est montré prudent, conscient des défis liés à l’acceptabilité sociale. Cependant, François Legault a rouvert la porte à un projet de pipeline traversant le nord du Québec, un revirement notable par rapport à 2021, lorsque la province avait rejeté le projet GNL Québec au Saguenay en raison de préoccupations environnementales. Le premier ministre a également affirmé que le Québec augmentera ses exportations vers les autres provinces dans les mois à venir. En mai, la CAQ a déposé le projet de loi 112, visant à faciliter le commerce des biens et la mobilité de la main-d’œuvre entre les provinces et territoires du Canada.

François Legault a affirmé que son gouvernement poursuivra une approche économique nationaliste dans la prochaine session et pour l’année à venir. Les discussions sur le développement économique, les projets énergétiques et la diversification des échanges resteront au cœur des priorités politiques. Son plan met l’accent sur plusieurs secteurs stratégiques, notamment la défense (aérospatiale et maritime), les minéraux critiques et l’exploitation minière, ainsi que les infrastructures énergétiques. Lors de ses remarques de clôture, Legault a indiqué que la CAQ continuera d’investir « massivement » dans ces domaines et que plusieurs projets sont actuellement à l’étude.

Pour soutenir l’économie québécoise dans la réalisation de ces projets majeurs, le gouvernement a présenté en juin 2024 le projet de loi 69 sur la gouvernance responsable des ressources énergétiques. Ce texte modifie plusieurs lois existantes, notamment la Loi sur la Régie de l’énergie, et accorde de nouvelles responsabilités au ministre de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie. Il prévoit également de doubler la capacité de production d’Hydro-Québec d’ici 2035. Le projet de loi 69 a été adopté sous bâillon le 7 juin, après que Legault et Fréchette aient accusé les partis d’opposition d’obstruction. Selon le premier ministre, cette mesure était nécessaire pour accélérer le plan d’électrification de 200 milliards de dollars d’Hydro-Québec, qui comprend l’expansion des barrages existants (La Grande, Manic-Outardes, Churchill Falls), la construction éventuelle de nouvelles installations (Gull Island) et des projets éoliens. Legault a aussi indiqué qu’il chercherait un soutien fédéral pour une ligne de transport d’électricité entre Terre-Neuve et le Québec.

Legault a affirmé que son gouvernement est entré dans une phase critique de réformes, notamment avec les négociations sur la rémunération des médecins. Les discussions avec la Fédération des médecins spécialistes du Québec et la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec risquent de s’intensifier, alors que le gouvernement cherche à revoir le modèle de rémunération des praticiens. Il a qualifié cette réforme de difficile mais nécessaire et a insisté sur l’importance d’arriver à des ententes.

Avec seulement 16 mois avant les élections, la CAQ continue de voir son appui diminuer dans les sondages. Le chef intérimaire du PLQ, Marc Tanguay, a demandé publiquement la démission du premier ministre Legault, tandis que Paul St-Pierre-Plamondon, chef du PQ, lui suggère de déclencher des élections anticipées. Le Parti québécois mène actuellement dans les sondages avec 33 % des intentions de vote, suivi de la CAQ à 21 % et du PLQ à 20 %.

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Élection partielle à Arthabaska

L’élection partielle dans Arthabaska, déclenchée par la démission de l’ex-député caquiste Éric Lefebvre, n’a pas encore été annoncée par le gouvernement. La circonscription, détenue par la CAQ depuis 2012, est convoitée par Éric Duhaime, chef du Parti conservateur du Québec, tandis que le Parti québécois a officiellement désigné Alex Boissonneault, ancien journaliste à Radio-Canada, comme candidat. La course s’annonce serrée, avec le PQ actuellement en tête des sondages. Le gouvernement doit déclencher l’élection d’ici le 18 septembre 2025.

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La course à la direction du Parti libéral du Québec se corse à l’approche du vote final. Le favori, Pablo Rodriguez, ancien ministre fédéral sous le gouvernement Trudeau, s’est retrouvé dans le point de mire de ses adversaires lors du dernier débat, notamment en raison de son bilan politique. De son côté, Karl Blackburn, ex-président du Conseil du patronat du Québec, a  été critiqué après avoir commandé un sondage auprès des membres du PLQ sur l’issue de la course à la direction. Ses adversaires ont dénoncé le manque de transparence, le sondage n’ayant pas été clairement identifié comme provenant de sa propre campagne.

Les membres du Parti libéral du Québec commenceront à voter le 9 juin, et le congrès à la direction se tiendra le 14 juin à Québec. Le résultat du vote demeure incertain en raison du système pondéré du parti : chaque circonscription se voit attribuer 3 000 points, dont 1 000 réservés aux membres âgés de moins de 25 ans. Le candidat remportant plus de 50 % des 375 000 points totaux sera élu. Si aucun ne franchit ce seuil, un deuxième tour opposera les deux candidats en tête.

La session a été particulièrement tumultueuse pour Québec solidaire. Le parti a connu des remous internes et le départ de son co-porte-parole, Gabriel Nadeau-Dubois. Il a aussi perdu du terrain lors de l’élection partielle de Terrebonne, où sa candidate Nadia Caron a critiqué le manque de soutien du parti avant de rallier les rangs du Parti québécois. Par ailleurs, la députée Christine Labrie a annoncé qu’elle ne solliciterait pas de nouveau mandat en 2026, soulevant des questions sur la capacité du parti à naviguer les 16 prochains mois avant les élections.

La Coalition Avenir Québec continue de faire face à plusieurs enjeux, notamment à la réforme du système de santé, aux négociations syndicales, à l’immigration, à l’identité nationale et linguistique, ainsi qu’à la réforme du système énergétique. 

À l’approche des élections, la question de l’acceptabilité sociale devrait continuer d’alimenter les débats, alors que la CAQ fait face à de nombreuses critiques de l’opposition et d’acteurs locaux concernant plusieurs projets majeurs. Durant la session printanière, le gouvernement a procédé à l’expropriation de terres à Blainville afin d’agrandir le site de déchets dangereux Stablex, rappelant les préoccupations environnementales soulevées l’an dernier autour de l’usine de batteries de Northvolt.

Parallèlement, François Legault s’est engagé à augmenter les exportations interprovinciales, à éliminer les barrières commerciales et à faciliter la mobilité de la main-d’œuvre avec le projet de loi 112, qui prévoit la reconnaissance automatique des biens entre les provinces. Toutefois, le gouvernement devra équilibrer ces ambitions avec une motion unanime adoptée en avril, réaffirmant le droit du Québec à protéger ses priorités économiques, culturelles et linguistiques en fonction de ses valeurs sociales distinctes.

Liste des lois adoptées:

  • PL-69: Loi assurant la gouvernance responsable des ressources énergétiques et modifiant diverses dispositions législatives
  • PL-82: Loi concernant l’identité numérique nationale et modifiant d’autres dispositions
  • PL-83: Loi favorisant l’exercice de la médecine au sein du réseau public de la santé et des services sociaux
  • PL-84: Loi sur l’intégration à la nation québécoise
  • PL-92: Loi modifiant diverses dispositions principalement dans le secteur financier
  • PL-95: Loi favorisant l’équité dans l’accès aux services de garde éducatifs à l’enfance subventionnés dispensés par les titulaires de permis
  • PL-97: Loi visant principalement à moderniser le régime forestier
  • PL-109: Loi affirmant la souveraineté culturelle du Québec et édictant la Loi sur la découvrabilité des contenus culturels francophones dans l’environnement numérique

Liste des lois déposées et reportées à la prochaine session:

  • PL-112: Loi favorisant le commerce des produits et la mobilité de la main-d’œuvre en provenance des autres provinces et des territoires du Canada
  • PL-106: Loi visant principalement à instaurer la responsabilité collective et l’imputabilité des médecins quant à l’amélioration de l’accès aux services médicaux

Perspectives fournies par Daniel Bernier, Delaney Cullinan et Victoria LaChance.

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