Que vient-il de se passer?
Le Canada est revenu à un système politique essentiellement bipartite lors des élections de lundi dernier, les deux principaux partis ayant remporté ensemble 84,9 % du vote populaire et 312 des 343 sièges de la Chambre des communes. Les libéraux ont élu 169 députés, à trois près de la majorité, tandis que les conservateurs ont obtenu 144 sièges. Le Bloc Québécois a élu 22 députés et le NPD 7 députés, soit cinq de moins que les 12 sièges nécessaires pour obtenir le statut de parti reconnu à la Chambre. Le Parti vert a conservé le siège de sa co-cheffe, Elizabeth May.
La tendance au bipartisme s’est reflétée dans la répartition du vote populaire lors des élections de ce lundi. En remportant 43,7 % des voix, les libéraux ont obtenu leur plus haut niveau de soutien public depuis l’élection de 1980, lorsqu’ils avaient obtenu 44,3 % des voix. Les conservateurs ont obtenu 41,3 % des voix, soit leur proportion la plus élevée depuis l’élection de 1988. Le NPD a subi l’effondrement le plus important du soutien public dans l’histoire du parti, ne recueillant que 6,3 % des suffrages exprimés. Deux des principaux chefs de parti ont perdu leur siège, Pierre Poilievre et Jagmeet Singh. Bien que M. Poilievre ait perdu sa circonscription de Carleton, dans la banlieue d’Ottawa, les premières spéculations indiquent qu’il restera à la tête du parti et qu’il disputera un siège lors d’une élection partielle, peut-être en Alberta, province favorable aux conservateurs et où il a grandi. M. Singh a terminé de manière décevante en troisième place dans la circonscription de Burnaby Central, dans les Basses-terres continentales, en Colombie-Britannique, face au nouveau venu libéral Wade Chang et au candidat conservateur James Yan. Il a démissionné lors de son discours du soir de l’élection devant les fidèles du parti.
Un climat politique moins partisan
L’environnement partisan agité des 18 derniers mois s’atténuera à la Chambre des communes à la suite de l’élection. Le gouvernement a été élu avec un mandat clair pour gérer la crise actuelle dans les relations entre le Canada et les États-Unis et les Canadiens n’auront que peu d’appétit pour un retour des jeux politiques. Par conséquent, même s’il n’a pas obtenu la majorité, le gouvernement Carney bénéficiera d’une période de calme politique pendant plusieurs mois. D’ores et déjà, le chef du Bloc Québécois, Yves-Francois Blanchet, a déclaré qu’il ne « menacera pas de renverser le gouvernement de sitôt ». S’il cherche à revenir à la Chambre par le biais d’une élection partielle, le conservateur Pierre Poilievre sera impliqué dans ce processus au moins jusqu’à l’automne prochain. Enfin, le NPD, ayant perdu son chef et son statut de parti reconnu à la Chambre des communes, sera occupé avec des enjeux au niveau interne dans l’avenir prévisible.
Pour un retour à la normale
Fin de la période de transition
La Convention de transition a pris effet avec l’émission du bref électoral le 23 mars, limitant les actions qu’un gouvernement peut entreprendre pendant la période électorale. Si les résultats des élections indiquent clairement que le gouvernement en place a été reconduit, la période de transition prend fin et le gouvernement cesse de fonctionner en mode de transition. Étant donné que les élections ont abouti à une forte minorité libérale, la période de transition prendra fin sous peu. Le gouvernement en place, dirigé par Mark Carney et ses ministres, restera en place jusqu’à ce que le nouveau gouvernement soit assermenté.
Retour des brefs d’élection
Entre sept et quatorze jours après l’élection, le directeur du scrutin de chaque circonscription valide les résultats, inscrit le nom du candidat vainqueur sur le bref électoral et renvoie ce dernier au directeur général des élections. Cette étape doit être achevée avant que les députés ne prêtent serment individuellement. Si des recomptages sont nécessaires en raison de résultats serrés, les brefs des circonscriptions concernées sont conservés jusqu’à ce qu’un vainqueur soit déclaré.
Mandats spéciaux du gouverneur général
Ils sont utilisés par le gouvernement pour obtenir des fonds lorsque le Parlement est dissous en raison d’une élection. Les mandats spéciaux permettent de poursuivre les opérations essentielles du gouvernement pendant la période où le Parlement ne siège pas et où le processus normal d’approvisionnement a été interrompu. Lors de ces dernières élections, le gouvernement Carney a émis un mandat de 40 milliards de dollars pour financer les opérations du gouvernement. Comme l’autorisation d’utiliser des mandats spéciaux expire 60 jours après le retour des brefs électoraux, le Parlement doit accorder les crédits d’ici la semaine du 14 juillet environ.
Que se passe-t-il ensuite?
Le premier ministre prendra une série de décisions clés au cours des prochaines semaines. Voici quelques-unes des principales considérations, implications et échéances de ces décisions :
Questions urgentes pour le premier ministre/CPM
- Tout d’abord, une série de décisions concernant le personnel senior du cabinet du premier ministre : qui sera le chef de cabinet qui à son tour conseillera le premier ministre sur la nomination de membres du personnel clés à la tête de chacune des principales divisions du Cabinet du premier ministre (CPM), à savoir : politique et affaires du Cabinet, communication et recherche, opérations ainsi que gestion des enjeux et affaires parlementaires. La nomination d’un fonctionnaire clé pour superviser les relations entre le Canada et les États-Unis est également un élément important à prendre en considération à l’heure actuelle.
- Les membres seniors du personnel du CPM devront donner des instructions sur les thèmes et les détails du discours du Trône aux rédacteurs, puis suivre les ébauches successives au fur et à mesure de leur élaboration entre le CPM et le Bureau du Conseil privé (BCP).
- Comme le gouvernement devrait déposer un budget en juin, il faudra donner des instructions initiales au ministère des Finances sur son contenu. On s’attend à ce que le budget comprenne la réduction d’impôt promise à la classe moyenne, une législation visant à supprimer les obstacles fédéraux au commerce interprovincial et l’autorisation d’ouvrir la renégociation de l’ACEUM avec les États-Unis.
- En prévision des nominations au Cabinet, les membres du personnel seniors et expérimentés exemptés devront être associés aux ministres, en particulier à ceux qui viennent d’être nommés. En outre, les nouveaux députés libéraux auront besoin d’un nombre important de nouveaux membres du personnel.
Quand le gouvernement et le cabinet prêteront-ils serment?
Les trois derniers cabinets ont prêté serment entre trois et cinq semaines après les élections. Un haut fonctionnaire libéral s’exprimant à titre confidentiel a laissé entendre que M. Carney s’attendait à dévoiler son nouveau cabinet dans deux semaines, suggérant la semaine du 12 au 16 mai pour la prestation de serment. Il est essentiel que le CPM prenne rapidement des décisions sur la composition du cabinet, car l’habilitation de sécurité des nouveaux ministres est coûteuse et peut prendre des semaines.
Alors que le premier ministre a formé un nouveau cabinet à la mi-mars, les libéraux ont élu plusieurs candidats vedettes lors des élections de cette semaine qui devraient faire partie du nouveau cabinet. Le 29 avril, le Globe and Mail rapportait que parmi les nouveaux députés potentiels que le premier ministre pourrait intégrer au cabinet figurent l’ancien ministre des Finances du Québec Carlos Leitao, l’ancien maire de Vancouver Gregor Robertson, l’ancienne directrice exécutive de la chambre de commerce de Delta Jill McKnight en Colombie-Britannique, l’activiste du changement climatique Shannon Miedema à Halifax et la militante du contrôle des armes à feu Nathalie Provost au Québec.
En outre, les nominations de M. Carney au cabinet, il y a six semaines, ont été précipitées en raison de la fin programmée de la prorogation et de l’imminence des élections. Avec plus de temps, il pourrait vouloir procéder à des ajustements supplémentaires des mandats ministériels et de l’appareil gouvernemental, y compris la nomination éventuelle d’un vice-premier ministre. Les nominations des ministres aux comités du Cabinet seront annoncées au moment de la prestation de serment ou peu après.
Quand le Parlement pourrait-il reprendre ses travaux?
Un haut fonctionnaire libéral a également laissé entendre que le nouveau gouvernement avait l’intention de rappeler le Parlement à la fin du mois de mai, peu après la prestation de serment du Cabinet, pour un discours du Trône et l’octroi de crédits. Il s’agirait des premiers votes de confiance auxquels le nouveau gouvernement sera confronté à la Chambre des communes.
Programme législatif
L’élaboration du plan législatif doit attendre la nomination du Cabinet et du leader du gouvernement à la Chambre des communes, mais les premières décisions peuvent être prises par le CPM sur les points urgents nécessaires pour la session de printemps de la Chambre. Les principales priorités seront probablement incluses dans le discours du Trône. Le gouvernement disposera de l’été pour rédiger des textes législatifs plus complexes en vue de la session d’automne, qui devrait débuter le 15 septembre 2025.
Formation des comités de la Chambre des communes
La composition des comités reflète généralement la position des partis au sein de la Chambre. Le processus de formation des comités de la Chambre est complexe et prend du temps :
- Les whips des partis consultent leurs caucus respectifs et préparent des listes de candidats pour la composition des comités.
- Approbation de la Chambre : La Chambre des Communes vote sur la composition du comité proposé.
- Présidents et vice-présidents : La plupart des comités permanents sont présidés par des membres du parti au pouvoir, le premier vice-président étant issu de l’opposition officielle et le second d’un autre parti d’opposition. À quelques exceptions près, la présidence est assurée par un membre de l’opposition officielle.
- Membres associés : Les comités comptent également des membres associés qui peuvent participer à leurs travaux, notamment au sein des sous-comités.
La question de l’appartenance du NPD au comité et de sa qualification en tant que parti reconnu par la Chambre reste ouverte à ce jour.
Geoff Norquay a contribué à la rédaction de cet article.