• Avr 11, 2025
  • Perspectives

Rapport sur les perspectives électorales : semaine 3

Liberal Leader Mark Carney, Conservative Leader Pierre Poilievre, NDP Leader Jagmeet Singh, Bloc Leader Yves-Francois Blanchet, Green Party co-leaders Elizabeth May and Jonathan Pedneault, PPC Leader Maxime Bernier.
Liberal Leader Mark Carney, Conservative Leader Pierre Poilievre, NDP Leader Jagmeet Singh, Bloc Leader Yves-Francois Blanchet, Green Party co-leaders Elizabeth May and Jonathan Pedneault, PPC Leader Maxime Bernier.

Alors que nous arrivons à mi-parcours des élections, les trois principaux partis ont convergé sur leurs approches envers les relations canado-américaines et sur la manière dont le pays devrait réagir à l’imposition de tarifs douaniers sur les exportations canadiennes vers les États-Unis. Il en résulte que les différences entre les partis sur la façon de traiter avec M. Trump se sont atténuées ; en fait, les similitudes s’accroissent de jour en jour. La question de l’urne, reflétant ces changements, a évolué, passant de « quel dirigeant est le mieux équipé pour faire face à M. Trump? » à « comment le Canada devrait-il s’adapter au nouvel ordre mondial? » 

À la suite de l’annonce des tarifs douaniers réciproques de M. Trump le 2 avril, Mark Carney a fait entendre une note inquiétante au sujet de la période d’après-guerre sur laquelle les Canadiens comptaient, en déclarant : « L’ancienne relation que nous avions avec les États-Unis, fondée sur l’intégration croissante de nos économies et une coopération étroite en matière de sécurité et de défense, est terminée. L’économie mondiale est fondamentalement différente aujourd’hui de ce qu’elle était hier ». À la deuxième semaine de campagne, Pierre Poilievre a achevé le pivot dans l’orientation et l’accent de sa campagne pour aborder plus directement les menaces et les actions tarifaires de M. Trump. Cela lui a permis de rivaliser plus efficacement avec M. Carney sur la meilleure façon d’accroître la résilience du Canada dans la nouvelle économie mondiale. 

Poilievre et Carney sont tous les deux favorables à une réduction de la dépendance du Canada à l’égard des États-Unis, et Poilievre s’est aligné sur la promesse de Mark Carney de chercher à renégocier rapidement l’ACEUM et nos relations de sécurité avec les États-Unis. M. Poilievre et M. Carney conviennent que les tarifs douaniers de Trump vont à l’encontre de l’ACEUM, mais Poilievre a également signalé à Trump qu’il révoquerait tout engagement en matière de défense, de frontières et du marché si ce dernier renonçait à conclure un nouvel accord commercial. 

La semaine dernière, M. Poilievre a apporté un soutien tacite aux contre-tarifs des libéraux, et les deux dirigeants ont convenu que les recettes générées devraient être utilisées en vue de soutenir les entreprises et les travailleurs directement touchés par les mesures commerciales américaines. M. Poilievre a également repris à son compte la proposition faite la semaine précédente par Jagmeet Singh d’éliminer la TPS sur les automobiles fabriquées au Canada.  

La semaine dernière, M. Poilievre s’est vanté de sa nouvelle approche à l’émission télévisée québécoise « Cinq Chefs », se prononçant en faveur de la taxe sur les services numériques imposée par le gouvernement Trudeau aux géants mondiaux de la technologie, qui a tant irrité les administrations américaines successives : « Le principe est juste. Le principe est que ces entreprises gagnent des revenus au Canada, donc le principe est qu’elles doivent contribuer là où elles gagnent des revenus. Je pense donc que, sur cette question, nous devrions maintenir la taxe ». Justin Trudeau n’aurait pas pu mieux dire! 

Le Canada est un grand pays, donc, au début d’une campagne électorale, les chefs de partis tentent généralement de visiter les cinq régions l’une après l’autre. Vers la troisième semaine, en fonction des résultats des sondages, les tournées des chefs de partis commenceront à jouer l’offensive et la défense, mettant du temps dans les circonscriptions susceptibles d’être gagnées par d’autres partis tout en défendant leurs propres circonscriptions, notamment celles qui risquent d’être menacées. C’est ainsi que les trois chefs se sont rendus en Colombie-Britannique cette semaine, où l’effondrement du soutien au NPD à l’échelle nationale donne lieu à des batailles serrées et inattendues. (Voir notre rapport régional sur la Colombie-Britannique ci-dessous). 

M. Poilievre a débuté la semaine sur l’île de Vancouver, dont certaines parties sont traditionnellement le théâtre de luttes entre les conservateurs et les néo-démocrates, et Mark Carney a prononcé un discours important dans la circonscription d’Elizabeth May, codirigeante du Parti vert – ce qui n’est pas une coïncidence. Mardi, M. Carney était à Delta. Jagmeet Singh était également dans les basses-terres continentales lundi et mardi pour tenter de « sauver les meubles », étant donné qu’un grand nombre des 13 sièges du parti en Colombie-Britannique pourraient être menacés, peut-être même le sien. M. Singh a été contraint par les journalistes de déclarer qu’il remporterait Burnaby Central (anciennement Burnaby – Sud), qu’il détient depuis 2019. 

Après avoir visité la Colombie-Britannique, Pierre Poilievre s’est rendu à Edmonton pour un énorme rassemblement, où il a été présenté par l’ancien premier ministre Stephen Harper, qui l’a chaleureusement soutenu, suivi d’une visite à Sault Ste.Marie. M. Poilievre et les conservateurs ont attiré d’énormes foules d’électeurs au cours des dernières semaines : 4 500 à Hamilton, 5 500 à Surrey, 3 500 à Winnipeg, 4 200 à Oshawa et un nombre impressionnant de 10 000 à 12 000 (les chiffres réels varient) à Edmonton lundi dernier. 

Jeudi, M. Poilievre et M. Carney sont retournés dans la région de l’indicatif 905 autour de Toronto pour faire campagne respectivement à Milton et à Brampton, tandis que M. Singh s’est rendu à Saskatoon. 

Dans son dernier numéro, Zubin Sanyal d’Earnscliffe se penche sur la stratégie publicitaire des conservateurs et sur le fossé qui se creuse entre les chiffres et ce qui se passe réellement sur le terrain. 

Depuis des semaines, la grande nouvelle dans les sondages canadiens est la trajectoire ascendante du Parti libéral dans les sondages. Pour mieux comprendre ce qui motive spécifiquement les décisions des électeurs, nous avons demandé aux électeurs canadiens quel parti ils associaient le plus à certaines questions clés. Lisez ce que Stephanie Enns-Coulter, consultante principale en recherche d’opinion, a découvert.

Conservateurs 

Libéraux  

NPD 

La date limite pour la nomination des candidats par les partis était le 7 avril, les trois principaux partis étant à un candidat près d’une liste complète dans les 343 circonscriptions. Le Parti populaire du Canada a 247 candidats, le Parti vert en a 232 et le Bloc Québécois se présente dans les 78 circonscriptions du Québec. 

À Carleton, la circonscription du chef conservateur Pierre Poilievre, un groupe de protestation appelé « Comité du bulletin de vote le plus long » a convaincu 85 candidats de s’inscrire en tant qu’indépendants, en plus des candidats habituels du parti principal. Le groupe de protestation s’oppose au système de vote uninominal à un tour et cherche à obtenir du soutien en faveur d’une réforme électorale. 

Un ajout tardif notable pour le NPD est Ruth Ellen Brosseau, qui se présentera à nouveau dans son ancienne circonscription de Berthier-Maskinongé. Mme Brosseau a représenté cette circonscription de 2011 jusqu’à sa défaite face au Bloc Québécois en 2019. Élue à l’origine dans le cadre de la « vague orange » du NPD au Québec en 2011, Mme Brosseau était une parfaite inconnue qui ne parlait pas français et n’avait jamais visité la circonscription. Elle a fini par gravir les échelons de la Chambre des communes pour devenir leader parlementaire du NPD et l’une des députées les plus respectées du parti. Pour rendre les choses encore plus intéressantes dans cette circonscription, Mme Brosseau est passée à 2 000 voix du Bloc en 2021, et les conservateurs ont dû remplacer leur candidate à la dernière minute à la suite de messages problématiques sur les médias sociaux. 

Qc125, qui regroupe et calcule la moyenne des sondages d’opinion nationaux, place aujourd’hui les libéraux à 44 %, devant les conservateurs à 37 % et le NPD à 8 %. 

Plusieurs sondages ont montré cette semaine un léger resserrement de l’écart entre les libéraux et les conservateurs, mettant les libéraux toujours en avance. Les libéraux restent fermement majoritaires lorsque les résultats des sondages sont projetés sur le nombre probable de sièges. 

338canada.com/federal

Au Québec, les libéraux sont à 44 %, suivis par le Bloc québécois à 24 % et les conservateurs à 23 %. Le NPD est à la traîne avec 6 %. 

qc125.com/canada/quebec

Alors que nous entrons dans les deux dernières semaines de la campagne, tous les regards se tourneront vers Montréal pour les débats des chefs qui auront lieu mercredi et jeudi prochains. Le débat en français aura lieu le 16 avril à 20 heures HAE et sera animé par Patrice Roy, de Radio-Canada. Le débat en anglais aura lieu le 17 avril à 19 heures HAE et sera animé par Steve Paikin de TVO. 

Geoff Norquay a contribué à la rédaction de cet article.


Regard sur la Colombie Britannique 

Trois campagnes régionales uniques détermineront qui représentera la Colombie-Britannique au sein du prochain parlement. 

Par Bruce Young et Anita Zaenker.

À la dissolution du parlement, le nombre de sièges en C.-B. était divisé en trois parties : 14 pour les libéraux, 14 pour le Parti conservateur, 13 pour le NPD et 1 pour le Parti vert. Le redécoupage fédéral de 2022 a ajouté un siège supplémentaire pour un total de 43 sièges en Colombie-Britannique et a modifié les limites de nombreuses circonscriptions existantes dans la province. Il  y a habituellement trois micro-campagnes qui se déroulent dans le cadre de toute élection fédérale en Colombie-Britannique : 

  • L’île de Vancouver (7 sièges) est historiquement un terrain d’affrontement entre le NPD et les conservateurs, avec une force libérale modeste sur l’île du Sud ; 
  • L’intérieur et le nord à tendance populiste (10 sièges) qui donnent généralement lieu à des courses entre conservateurs et néo-démocrates ; 
  • Les basses-terres continentales riches en sièges (26 sièges) qui ont récemment été le théâtre d’une série d’affrontements entre libéraux et néo-démocrates, avec une certaine force conservatrice dans la banlieue est de Vancouver et dans la vallée du Fraser. 

Bien que ces clivages géographiques persistent, l’opinion publique changeante a eu un impact important sur la course au cours des derniers mois en raison de la combinaison de la menace existentielle de l’administration Trump pour la souveraineté canadienne et de l’émergence de Mark Carney en tant que leader libéral et Premier ministre. Cette dynamique a provoqué une baisse notable du soutien au NPD, et une baisse moins importante du soutien aux conservateurs et au Parti vert, le tout au profit des libéraux, en ascension. 

Jusqu’à présent, l’électorat de la Colombie-Britannique semble être de plus en plus polarisé entre un choix libéral ou conservateur, ce qui met en péril la quasi-totalité des députés néo-démocrates, qu’ils soient face aux libéraux ou conservateurs. Comme ailleurs, la polarisation de l’électorat en Colombie-Britannique pose des problèmes à ceux qui tentent de modéliser les prédictions pour des circonscriptions spécifiques qui, depuis une génération, font l’objet de luttes acharnées entre trois partis. Si le NPD continue à se maintenir bien en dessous des niveaux traditionnels de soutien, nous aurons plusieurs surprises le soir de l’élection. En dépit des récents sondages, le NPD a toujours fait bonne figure au niveau local, bénéficiant d’une efficacité électorale et d’un jeu de terrain supérieur dans plusieurs circonscriptions de Vancouver Est, Burnaby et certaines parties de l’île de Vancouver. À mi-parcours de la campagne, la dynamique électorale globale demeure volatile et est certainement susceptible de changer. 

Les listes 

Le Parti libéral a eu peu de temps pour dresser une nouvelle liste de candidats, en partie à cause de l’attention portée à sa récente course à la direction et du fait que ses résultats dans les sondages étaient si mauvais au début de l’année. L’évolution de la situation leur a permis de mettre plusieurs candidats locaux solides de l’avant dans l’ensemble de la province, notamment : 

  • Gregor Robertson, ancien député du NPD de la Colombie-Britannique et maire de Vancouver pendant trois mandats, qui sera le porte-drapeau du parti dans la circonscription de Vancouver Fraserview – Burnaby-Sud. 
  • L’ancienne directrice exécutive de la chambre de commerce de Delta, Jill McKnight, à Delta. 
  • L’ancien député et pilote de chasse Stephen Fuhr à Kelowna. 

Les conservateurs, qui jusqu’à récemment, jouissaient d’une avance considérable dans les sondages, étaient beaucoup mieux organisés, ayant obtenu les anciens députés Ellis Ross dans Skeena-Buckley Valley et Iain Black dans Coquitlam-Port Coquitlam pour se présenter dans leurs communautés respectives. 

Le NPD a de nombreux titulaires solides qui se représentent, y compris le leader fédéral Jagmeet Singh et le leader parlementaire Peter Julian. Le parti a aussi attiré le cinéaste et activiste Avi Lewis pour se présenter dans le bastion libéral de Vancouver-Centre. 

De nombreux candidats des partis libéral et conservateur ont été nommés, ce qui a provoqué des tensions au niveau local. Les conservateurs ont retiré un candidat du scrutin en Colombie-Britannique à la suite d’une controverse, mais l’ont remplacé avant la clôture du délai de dépôt des candidatures. Il y a un manque notable d’équité entre les sexes parmi les candidats des partis libéral et conservateur en raison des processus de sélection des candidats des partis. 

Les priorités des électeurs changent 

Avant l’investiture de Donald Trump, la principale préoccupation des Britanno-Colombiens était clairement axée sur le coût de la vie, la question d’abordabilité, le logement et les soins de santé. Ces questions ont dominé le discours public lors des élections provinciales de l’automne dernier, au cours desquelles le NPD a été réélu avec une courte majorité au sein du gouvernement. Bien que ces questions restent importantes dans la province, l’accent mis sur les relations canado-américaines s’est imposé comme l’enjeu numéro un de la campagne. L’anxiété suscitée par les menaces de Trump à l’encontre de la souveraineté canadienne a propulsé cette question et a poussé les Britanno-Colombiens à prendre des mesures individuelles dans leur vie quotidienne, notamment en refusant d’acheter des produits américains dans les épiceries et en modifiant leurs plans de voyage et de vacances pour éviter les destinations américaines. L’anxiété causée par Trump continuera-t-elle à dominer l’esprit des électeurs jusqu’au jour de l’élection, ou le thème du « temps du changement » et les questions d’abordabilité reviendront-ils au premier plan? 

Les circonscriptions à surveiller 

Les résultats obtenus par le NPD seront déterminants pour la réussite des libéraux et des conservateurs lors de cette élection. Le soir de l’élection, il faudra surveiller plusieurs députés néo-démocrates sortants, notamment le leader du parti, Jagmeet Singh dans Burnaby Central, Don Davies dans Vancouver Kingsway, Peter Julian dans New Westminster-Burnaby-Mallardville, Laurel Collins dans Victoria, Gord Johns dans Courtenay-Alberni et Taylor Bachrach dans Skeena-Buckley Valley. Ces sièges resteront-ils au NPD, comme c’est le cas depuis plusieurs élections successives? Ou bien les électeurs voteront-ils stratégiquement pour écarter les conservateurs, donnant ainsi des votes aux libéraux (dans les basses-terres continentales et l’île du Sud), ou bien ils diversont leurs votes entre des options progressistes, donnant ainsi des votes aux conservateurs (dans le centre et le nord de l’île de Vancouver et dans l’intérieur).