Le 25 mars 2025, le ministre des Finances du Québec, Éric Girard, a présenté son septième budget provincial à l’Assemblée nationale. Le gouvernement de la Coalition Avenir Québec (CAQ), dirigé par le premier ministre François Legault, souhaitait répondre aux préoccupations des Québécois dans un contexte marqué par de nombreuses incertitudes économiques, notamment en raison des tarifs douaniers imposés par les États-Unis, qui doivent entrer en vigueur sous peu, ainsi que ceux qui affectent déjà l’un des plus grands secteurs de la province : l’aluminium.
À cette fin, le budget 2025-2026 présente de nombreuses nouvelles mesures de dépenses afin de faire face aux menaces tarifaires, soutenir l’économie et revitaliser l’économie du Québec afin de l’adapter à ses besoins actuels et futurs. Ce budget fournit également une perspective révisée pour les années fiscales à venir, qui seront les premières à subir l’impact économique des tarifs douaniers. Il est à noter que le Budget 2025-2026 est basée sur un scénario selon lequel ces derniers seraient imposés par les États-Unis sur plusieurs partenaires commerciaux, incluant le Canada. Bien qu’ils pourraient être ajustés dans les mois à venir, le scénario de base du gouvernement prévoit des tarifs douaniers de l’équivalent d’une moyenne de 10 % pour une période de transition d’environ deux ans.
Dans ce contexte, le gouvernement prévoit un déficit de 13,6 milliards de dollars pour 2025-2026, un montant supérieur aux 9,2 milliards de dollars initialement prévus par le ministre dans l’énoncé économique de 2024. Il s’agirait d’un déficit record pour la province, dépassant celui de 11 milliards de dollars enregistrés dans le budget 2024-2025. Toutefois, le ministre Girard a indiqué que le déficit prévu pour 2024-2025 sera finalement moins élevé que ce qui avait été anticipé.
Dans son discours devant l’Assemblée nationale, le ministre Girard a attribué les difficultés budgétaires du Québec à une période de turbulences dans les échanges commerciaux et les relations diplomatiques avec l’administration américaine.
Aujourd’hui, le Québec fait face à un défi différent et nous avons la responsabilité de réagir avec force. La nouvelle administration américaine menace notre économie en proposant des mesures protectionnistes, notamment sous la forme de tarifs nuisibles et injustifiés sur les produits québécois et canadiens. »
— le ministre des Finances du Québec, Éric Girard
Par ailleurs, le ministre Girard a également souligné les accomplissements du gouvernement, affirmant que l’écart de richesse entre le Québec et l’Ontario devrait se réduire à 9,9 % en 2026, contre 15,9 % en 2018. De plus, le pouvoir d’achat des ménages québécois s’est amélioré de 6,6 %, contre 3,9 % dans le reste du Canada.
Les principales initiatives du budget incluent :
- Une augmentation de 7 % (11 milliards de dollars) du Plan québécois des infrastructures.
- Un investissement de 4,1 milliards de dollars pour soutenir l’économie du Québec, notamment par une aide de transition aux entreprises touchées par les tarifs douaniers américains, le soutien à la réalisation de projets d’investissement et l’encouragement de la diversification des marchés.
- Un montant de 3,9 milliards de dollars pour améliorer la prestation des services de santé et des services sociaux.
Le déficit pour l’année 2025-2026 s’élève à 13,6 milliards de dollars, soit 2,2 % du PIB. Ce montant inclut les dépôts exigés en vertu de la Loi sur l’équilibre budgétaire de 2006, qui impose des investissements dans le Fonds des générations, affecté exclusivement au remboursement de la dette du Québec. Les revenus sont estimés à 156,3 milliards de dollars en 2025-2026, ce qui représente une hausse de 0,7 % d’année en année. Le ministère prévoit un rebond de la croissance pour 2026-2027, avec une augmentation à 5,7 %. La croissance moyenne des revenus devrait s’établir à 3,2 % sur l’ensemble de la période couverte par les prévisions financières (jusqu’en 2029-2030). Les dépenses totales, incluant le service de la dette, atteignent 165,8 milliards de dollars en 2025-2026, soit une hausse de 1,5 % par rapport à 2024-2025. Il s’agit d’un taux inférieur à la croissance de dépenses prévue, compte tenu des investissements annoncés dans ce budget, lesquels porteront cette hausse à 2,7 % en 2026-2027.
La dette nette, telle que présentée dans le budget, s’établit à 40,4 % du PIB, soit légèrement en dessous du niveau prépandémique de 40,9 % enregistré en 2020. Le ratio de la dette nette au PIB devrait augmenter progressivement jusqu’en 2027-2028. Le gouvernement explique que cette hausse est principalement attribuable aux investissements majeurs dans les infrastructures publiques, nécessaires pour stimuler la croissance économique dans un climat d’incertitude. Il prévoit toutefois une baisse du ratio à 39,8 % d’ici 2030.La CAQ a également indiqué qu’en raison de l’incertitude économique actuelle, elle ajustera les cibles de réduction de la dette annoncées en mars 2023. Les nouvelles cibles fixent une réduction du ratio de la dette nette au PIB à 35,5 % du PIB d’ici 2032-2033, puis à 32,5 % d’ici 2037-2038.
Par ailleurs, un élément clé du cadre budgétaire est l’inclusion d’une réserve de stabilisation de 2 milliards de dollars pour les années 2025-2026 et 2026-2027, puis de 1,5 milliards par an à compter de 2027-2028, pour un total de 8,5 milliards sur cinq ans. Cette réserve vise à compenser une croissance économique plus modérée que prévu.
Chiffres à retenir
- Déficit budgétaire 2025-2026 : 13,6 milliards de dollars
- Augmentation du déficit de 2025-2026 par rapport à 2024-2025 : 3,3 milliards de dollars
- Prévision du déficit budgétaire 2026-2027 : 7,1 milliards de dollars
- Prévision du déficit budgétaire 2027-2028 : 4,2 milliards de dollars
- Ratio dette nette/PIB (2024-2025) : 38,7 %
- Prévision du ratio dette nette/PIB (2025-2026) : 40,4 %
- Prévision du ratio dette nette/PIB (2026-2027) : 41,5 %
- Croissance du PIB réel (2024-2025) : 1,4 %
- Prévision de la croissance du PIB réel (2025-2026) : 1,1 %
- Prévision de la croissance du PIB réel (2026-2027) : 1,4 %
Renforcer et revitaliser l’économie
Le budget 2025-2026 prévoit investir 5,4 milliards de dollars sur cinq ans pour stimuler la création de richesse: une autre façon de contrer l’incertitude liée aux tarifs américains. À cette fin, le gouvernement allouera 4,1 milliards de dollars pour aider les entreprises affectées par les tarifs, soutenir les projets d’investissement et favoriser la diversification des marchés. Dans ce total, le budget décompte jusqu’à 1,6 milliards de dollars en aide financière via des prêts octroyés aux dites entreprises et permettant de soutenir leurs liquidités. Le gouvernement réserve 400 millions de dollars sur deux ans à cette initiative.
Afin de soutenir ces initiatives d’investissement, le budget 2025-2026 prévoit d’allouer 3,5 milliards de dollars sur cinq ans à la poursuite de l’offensive de transformation numérique, de la formation en construction, du soutien aux fournisseurs québécois de l’industrie électrique et de l’optimisation des délais d’autorisation environnementale pour les projets économiques.
Quelques autres 759 millions de dollars seront consacrés à la revitalisation des économies régionales, à la valorisation des minéraux critiques, au soutien des industries forestière et touristique, ainsi qu’au développement du secteur bioalimentaire.
Les infrastructures joueront un rôle important dans les prochaines décisions du gouvernement, qui prend le temps d’expliquer qu’elles contribuent non seulement à la prestation de services aux citoyens, mais constituent également un moyen efficace de stimuler la croissance économique en période d’incertitude et d’améliorer le potentiel économique à long terme du Québec. Dans cette optique, le budget annonce une augmentation de 11 milliards de dollars (soit 7 %) du Plan québécois des infrastructures (PQI) au cours des 10 prochaines années – portant l’investissement total à 164 milliards de dollars. M. Éric Girard précise que des sommes importantes seront investies pour maintenir les actifs et améliorer les infrastructures dans les domaines de la santé, de l’éducation, de l’enseignement supérieur et des transports, ainsi que des investissements importants dans le logement social.
Le gouvernement s’engage également à dédier 604,1 millions de dollars supplémentaires pour accroître la capacité d’innovation de la province en modernisant les services publics pour une plus grande efficacité, grâce à un système d’aide fiscale actualisé avec l’introduction du crédit d’impôt pour la recherche, l’innovation et la commercialisation (CRIC). Le CRIC remplacera huit mesures fiscales actuellement en vigueur et fournira un soutien financier additionnel de 271,5 millions de dollars sur cinq ans.
D’autres mesures visant à améliorer le régime fiscal permettront de dégager près de 3 milliards de dollars sur cinq ans. Ces mesures auront un impact sur le crédit d’impôt pour le développement des affaires électroniques, en recentrant les activités informatiques à plus forte valeur ajoutée et en favorisant le développement d’entreprises électroniques intégrant l’intelligence artificielle.
Le gouvernement établit son intention d’ajuster son approche en matière d’incitations fiscales pour les entreprises du secteur des minéraux critiques et stratégiques. Alors qu’il offre actuellement des incitatifs couvrant une partie des coûts d’exploration des entreprises, il souhaite étendre l’économie de la province au secteur de la transformation, de la mise en valeur et du recyclage. Pour ce faire, il prévoit ajuster l’aide fiscale existante et en accroître l’accessibilité pour ces minéraux critiques et stratégiques, tout en maintenant la compétitivité des autres ressources. Il prévoit également rendre les dépenses de mise en valeur des ressources minérales admissibles à l’aide. Pour assurer une répartition équitable de l’aide, notamment en période d’expansion, un plafond cumulatif de dépenses admissibles de 100 millions de dollars par période de cinq ans sera instauré.
Revitaliser les services sociaux
La CAQ a consacré plus de 6,8 milliards de dollars au financement des services de santé et des services sociaux d’ici 2029-2030. De ce montant, près de 5,0 milliards sont alloués à l’amélioration de la prestation, de l’accessibilité et de la qualité des soins de santé et des services sociaux à travers la province. Pour y parvenir, le gouvernement s’engage à investir 2,2 millions de dollars sur cinq ans pour financer les traitements pharmaceutiques en milieu hospitalier, déployer de nouvelles installations, accélérer la transformation numérique de la RAMQ et former davantage de médecins.
Avec un accent mis sur le soutien accru aux jeunes en situation d’itinérance, le gouvernement investit plus de 1 milliard de dollars pour renforcer les services en logement, financer les organismes communautaires, consolider les interventions psychosociales et les efforts de police de proximité, ainsi qu’offrir un soutien aux clientèles autochtones. Le gouvernement consacre également 302,6 millions de dollars à l’amélioration des conditions de logement, notamment pour l’entretien des logements à loyer modique, l’adaptation des habitations et la réponse aux besoins urgents en matière de logement. Les aînés et leur milieu de vie représentent un autre axe prioritaire, avec un financement dédié à l’harmonisation des CHSLD publics et privés, ainsi qu’à la protection des personnes vivant en résidences privées pour aînés.
Par ailleurs, un montant additionnel de 1,1 milliard de dollars est réservé pour favoriser la réussite éducative, former de nouveaux enseignants, promouvoir la participation au sport et améliorer l’accès aux services de garde, en s’appuyant sur les initiatives de persévérance scolaire du budget 2024-2025.
Les prochaines étapes
Les partis d’opposition n’ont pas tardé à exprimer leurs opinions sur le budget de M. Girard. Le chef du Parti québécois, Paul St-Pierre-Plamondon, a déclaré que le gouvernement utilisait la guerre commerciale avec les États-Unis comme bouc émissaire pour masquer certaines de ses erreurs, notamment l’échec de son investissement dans Northvolt et SAAQclic, qui a coûté plus d’un milliard de dollars. Le porte-parole libéral en matière de finances, Frédéric Beauchemin, a souligné que la CAQ produit systématiquement des déficits plus importants que prévu, tout en laissant les services sociaux se dégrader dans la province.
À l’approche des prochaines élections provinciales à l’automne 2026, le ministre des Finances, Éric Girard, devra faire face à une longue période de contexte politique et économique difficile, alors que le premier ministre François Legault et lui tenteront de convaincre les Québécois qu’ils demeurent le meilleur choix pour diriger la province. Comme le souligne ce budget – et les budgets provinciaux présentés à travers le pays au cours des dernières semaines – les incertitudes créées par les relations commerciales entre le Canada et les États-Unis constituent une menace existentielle pour la planification économique actuelle.
Liens utiles
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Perspectives fournies par Bailey Stafford, Daniel Bernier, Delaney Cullinan et Victoria LaChance.