Aperçu
Justin Trudeau annonce aujourd’hui sa démission en tant que chef du Parti libéral du Canada. Il restera premier ministre jusqu’à ce qu’un nouveau chef soit élu par le parti « à l’issue d’un processus national rigoureux et compétitif ».
Il a également rencontré plus tôt dans la journée la gouverneure générale Mary Simon et lui a demandé de proroger le Parlement jusqu’au 24 mars 2025, demande qu’elle a acceptée. Cette date est importante, car la prochaine échéance pour l’approbation des mesures de crédits provisoires par la Chambre des communes est le 26 mars. Les « crédits » sont le processus par lequel le gouvernement demande au Parlement d’affecter les fonds nécessaires pour remplir ses obligations financières et mettre en oeuvre les programmes déjà approuvés par ses soins. Par définition, les votes de crédits constituent des votes de confiance, dont la perte signifie la défaite du gouvernement.
En outre, afin d’entamer les préparatifs en vue de la désignation d’un chef, les députés libéraux ont été invités à une séance d’information virtuelle spéciale de deux heures cet après-midi sur la constitution du parti et le rôle du caucus dans les questions relatives à la désignation d’un chef. L’Exécutif national du Parti libéral du Canada doit également se réunir plus tard dans la semaine.
La réaction des partis d’opposition à l’annonce d’aujourd’hui a été universellement négative, y compris celle du chef du NPD, Jagmeet Singh, dont le groupe parlementaire avait déjà soutenu le gouvernement lors de plusieurs votes de confiance à la Chambre des communes l’automne dernier. Les trois chefs de file ont déclaré que, quel que soit le dirigeant libéral, la Chambre des communes n’a pas confiance dans le gouvernement.
Incidences de la prorogation du Parlement
Selon La procédure et les usages de la Chambre des communes:
« La principale incidence de la prorogation mettant fin à une session est de faire table rase de tous les travaux. Les députés sont libérés de leurs fonctions parlementaires jusqu’à ce que le Parlement soit rappelé. Toutes les affaires non complétées sont abandonnées ou expirent au Feuilleton et tous les comités perdent leur mandat, permettant ainsi un nouveau départ à la session suivante. Aucun comité ne peut siéger pendant une prorogation. Les projets de loi qui n’ont pas reçu la sanction royale avant la prorogation disparaissent totalement et, pour qu’ils puissent aller de l’avant, ils doivent être représentés à la session suivante comme s’ils n’avaient jamais vu le jour. »
Lorsque la Chambre revient et qu’une nouvelle session commence, il est possible de rétablir par motion les projets de loi au même stade qu’ils avaient atteint à la fin de la session précédente ; le travail en commission peut également être relancé de la même manière.
Dans les circonstances actuelles, étant donné que la gouverneure générale a accédé à la demande de prorogation du premier ministre, cela mettra fin au projet des conservateurs d’utiliser la commission des comptes publics pour présenter à la Chambre une motion de censure à l’encontre du gouvernement.
Il est important de noter que les effets de la prorogation se limitent aux fonctions normales du Parlement lorsqu’il siège. Le gouvernement reste en place et peut tout à fait continuer à gérer les affaires courantes. Par exemple, le premier ministre et ses ministres continueront à dialoguer avec la nouvelle administration américaine et conserveront la capacité d’imposer des droits de douane et de répondre à d’autres actions potentielles de l’administration entrante à Washington. En outre, les décisions relatives aux financements déjà approuvés ou en cours d’élaboration au sein des ministères se poursuivront normalement.
Par ailleurs, les dispositions contenues dans l’Énoncé économique d’automne du gouvernement présenté le 16 décembre n’entreront pas en vigueur pendant la prorogation en l’absence d’un vote formel. En ce qui concerne les changements à l’impôt sur les gains en capital qui remontent au budget 2024, le ministère des Finances maintient que les nouvelles dispositions demeurent en vigueur jusqu’à ce qu’elles soient mises de côté par le gouvernement. L’Agence du revenu du Canada perçoit l’impôt sur la base de la motion des voies et moyens adoptée par la Chambre, ainsi que du vote en faveur de la Loi d’exécution du budget en deuxième lecture.
La constitution du Parti libéral
La section 44 (d) de la constitution du Parti libéral indique que « si le chef annonce publiquement son intention de démissionner ou s’il remet au président national, par écrit, sa démission ou une demande de convocation d’un scrutin pour l’élection d’un chef, le président national doit convoquer une réunion du Conseil national devant se tenir dans les 27 jours et, lors de cette réunion, le Conseil national doit :
- fixer une date de scrutin pour l’élection d’un chef;
- établir le Comité des dépenses de campagne… »
Normalement, la course à la chefferie libérale dure entre trois et quatre mois. La direction du parti entendra probablement certains membres qui réclameront une méthode plus rapide pour choisir un nouveau chef, ce qui pourrait inclure une décision prise par le caucus. Eddie Goldenberg, ancien chef de cabinet du premier ministre Chrétien, a récemment plaidé pour un processus de leadership abrégé et accéléré dans lequel le caucus libéral choisirait le nouveau chef. Cependant, cette option semble désormais improbable à la lumière des commentaires faits plus tôt aujourd’hui par le premier ministre, qui a affirmé que la course à la direction se déroulera « dans le cadre d’un processus rigoureux, compétitif et national ».
Analyse
La décision prise par le premier ministre aujourd’hui était devenue inévitable en raison de la révolte croissante parmi les membres du caucus libéral étant contre son maintien en poste en tant que chef. Pendant la pause des fêtes, les caucus de l’Ontario, de l’Atlantique et du Québec ont tous demandé qu’il se retire.
La décision du premier ministre de demeurer en poste en attendant l’élection de son successeur démontre un certain degré de stabilité au sein de la direction nationale, alors que le président élu Donald Trump s’apprête à entrer en fonction aux États-Unis. Tel que noté plus tôt, la durée relativement courte de la prorogation était nécessaire en raison de la prochaine échéance liée au vote des subsides. Cependant, elle envoie également un message clair sur le moment où le sort du gouvernement sera décidé. On présume que le gouvernement tombera lors du vote sur la motion d’octroi des crédits, les 25 ou 26 mars.
La décision du gouvernement libéral sur la façon dont ils vont procéder par rapport à leur direction est désormais critique. La vraisemblance de la chute du gouvernement à la fin du mois de mars mise fortement pour une prise de décision rapide plutôt que l’échéancier habituel s’étalant sur trois à quatre mois. Autrement, si le gouvernement tombe à la fin de mars et avant qu’un nouveau chef soit choisi, la campagne des libéraux pourrait être menée par Justin Trudeau.
Enfin, selon les décisions que le Parti libéral devra encore prendre concernant la nature et la durée du processus de leadership, il pourrait devenir nécessaire pour le premier ministre de procéder à un nouveau remaniement ministériel afin de combler les postes laissés vacants par les candidats à la direction.