• Sep 13, 2024
  • Perspectives

Automne 2024 : Une première semaine parlementaire marquée par des rebondissements importants au Québec

The legislature building, known as the National Assembly, is seen in Quebec City, Wednesday, June 5, 2024. THE CANADIAN PRESS/Jacques Boissinot

L’Assemblée nationale du Québec vient tout juste de reprendre ses travaux après le départ inattendu du « super ministre » Pierre Fitzgibbon. Si l’été fut calme, la session débute avec un changement important au sein du cabinet Legault. Contrairement à son habitude, le premier ministre du Québec est resté discret en réduisant considérablement ses apparitions publiques cet été, une stratégie délibérée de sa part à la suite d’un nombre croissant de sondages d’opinion défavorables à son sujet au cours des derniers mois. Il reste à voir s’il maintiendra cette tactique pendant toute durée de la session parlementaire.

Après une chute importante de sa cote de popularité au cours de la dernière année, la CAQ a gagné trois points pendant l’été. Cependant, selon les sondages, la popularité du Parti Québécois (PQ) est stable. Même si le PQ ne compte que quatre élus l’Assemblée nationale, il a une longueur d’avance sur la CAQ, tant du point de vue des intentions de vote que de la projection en sièges. Le départ du ministre Fitzgibbon entraînera une élection partielle dans la circonscription de Terrebonne (banlieue de Montréal) cet automne. Cette circonscription pivot sera le théâtre d’une bataille entre la CAQ et le PQ. Certains affirment qu’il s’agira d’un test dont l’issue permettra de déterminer si le PQ peut espérer remporter une élection générale.

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La semaine dernière, le ministre québécois de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie, Pierre Fitzgibbon, a démissionné suite à la demande du premier ministre Legault. Les spéculations concernant la démission de M. Fitzgibbon allaient bon train depuis la dernière session, alors que le principal intéressé avait évoqué la possibilité de ne pas aller jusqu’au bout de son mandat. M. Fitzgibbon avait toutefois souligné qu’il resterait en poste au moins jusqu’en 2026 afin de superviser l’adoption et l’exécution rapide de son plan de réforme de l’énergie, ce qui avait été confirmé par sa garde rapprochée. Il semble cependant que le premier ministre, François Legault, ait perdu confiance en son « super ministre » et lui ait demandé de se retirer plus tôt que prévu.

THE CANADIAN PRESS/Jacques Boissinot

Christine Fréchette, ancienne ministre de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration, devient la nouvelle ministre de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie, l’un des postes les plus importants du gouvernement Legault. Lorsqu’elle était à la tête du ministère de l’Immigration, Christine Fréchette a souvent critiqué les politiques du gouvernement fédéral en matière d’immigration. Elle aurait d’ailleurs exercé une influence sur les mesures prises récemment à l’échelle provinciale et fédérale en vue de freiner l’entrée des nouveaux arrivants. Au sein du cabinet, Mme Fréchette a la réputation d’être une ministre solide et une négociatrice compétente. Dès son arrivée au cabinet, en 2022, elle a expressément demandé le portefeuille de l’immigration. Mme Fréchette, qui a également travaillé dans le cabinet de Jean-François Lisée (Parti Québécois), est connue pour ses opinions nationalistes. Jean-François Roberge, le ministre responsable de la Langue française, ajoutera l’Immigration, la Francisation et l’Intégration à son portefeuille.

Jeudi matin, la CAQ a connu une nouvelle secousse lorsque l’un de ses députés, Youri Chassin, a annoncé qu’il quittait le caucus. Dans une lettre ouverte, il appelle au gouvernement de la CAQ de se ressaisir et lui reproche de s’en tenir à « la vieille recette qui consiste à jeter de l’argent sur les problèmes » sans pour autant les résoudre. M. Chassin déplore également le déficit de 11 milliards de dollars du dernier budget et souligne que, malgré une forte hausse des dépenses, les services essentiels comme les soins de santé, les salles d’urgence, l’éducation et l’accès à des logements abordables sont plus fragiles que jamais. Le député s’est engagé à terminer son mandat à titre de membre indépendant.

Depuis la nomination de Mme Fréchette au poste de ministre de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie, les partis d’opposition demandent à la CAQ de mener une consultation nationale et d’abandonner le plan de réforme de l’énergie de M. Fitzgibbon, le projet de loi 69. L’étude du projet de loi à l’Assemblée nationale a débuté cette semaine avec l’intervention de Michael Sabia, PDG d’Hydro-Québec, qui a exprimé son désaccord avec la manière dont le premier ministre Legault conçoit la décarbonation de l’industrie. M. Sabia reproche notamment au premier ministre et à l’ancien ministre Fitzgibbon d’avoir privilégié les entreprises ayant les retombées économiques les plus importantes. Selon M. Sabia, la stratégie de M. Fitzgibbon offre un soutien disproportionné aux multinationales, au détriment des entreprises locales. Il a profité de l’occasion pour souligner la nécessité de « rééquilibrer » les priorités en matière d’énergie.

Alors que la vaste réforme énergétique de la CAQ fait l’objet d’une surveillance accrue, l’incertitude liée aux grands projets énergétiques de ce même gouvernement est à son comble. L’un des projets les plus prisés – et les plus chers – de la province est la « méga-usine » de batteries propres de Northvolt. Devant le mouvement d’opposition de la population locale et des organismes de protection de l’environnement, l’entreprise suédoise a connu des difficultés au début de la construction de l’usine, mais a persisté à soutenir la poursuite du projet. Après l’annonce par Northvolt d’une réduction de ses activités mondiales et un ralentissement général sur le marché des véhicules électriques, le chef du PQ a interrogé le premier ministre Legault au sujet de son soutien du projet. Celui-ci a répondu que la province avait déjà versé 240 millions de dollars sur l’aide de trois milliards de dollars promise à Northvolt et que cette dernière ne recevrait plus rien si les travaux étaient interrompus. La ministre Fréchette a par la suite déclaré que Northvolt lui avait assuré que le projet irait de l’avant.

À leur retour à Québec cette semaine, les députés ont été accueillis par une manifestation des infirmières et des membres de la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ) organisée devant l’Assemblée nationale. Les membres de la FIQ, sans convention collective depuis 500 jours, ont menacé de ne plus faire d’heures supplémentaires à compter du 19 septembre.

Interrogé à ce sujet la semaine dernière, M. Legault a déclaré que son caucus était d’accord à l’unanimité pour que les négociations avec les médecins et les infirmières se poursuivent. Lors de la conférence de presse qu’il a donnée à l’issue de la retraite de son caucus, il a déclaré :

« [nous] ne pouvons pas nous permettre de baisser les bras. Nous devons améliorer l’accès aux soins de santé, en particulier aux groupes de médecins de famille. Nos négociations avec le syndicat des infirmières sont essentielles pour y parvenir. Les conditions de travail doivent être plus souples et il est essentiel de trouver un terrain d’entente dans le contexte de ces négociations. Les Québécois méritent un meilleur accès aux services de première ligne, et c’est pourquoi ces négociations sont une priorité absolue pour nous. »

Pendant la première moitié du mandat en cours, le gouvernement du Québec a fait de la santé l’une de ses priorités. La pandémie avait mis à la lumière les lacunes du système de santé et la CAQ a beaucoup investi pour renforcer ses capacités. Le déploiement de la réforme par Santé Québec s’est avéré complexe et a suscité beaucoup de critique de la part des partis de l’opposition, d’anciens premiers ministres et de groupes de la société civile, sans parler des nominations qui ont été vivement décriées dans les médias. La composition du comité de gestion de Santé Québec et les règlements préliminaires ont été annoncés au courant de l’été 2024, et un deuxième rapport du comité de transition est attendu ce mois-ci. L’intégration complète des établissements de santé du Québec est fixée au 1er décembre 2024 et l’équipe de transition présentera son rapport définitif en avril 2025. Il s’agira là de sa dernière tâche avant sa dissolution.

La course à la direction du Parti libéral du Québec devrait débuter en janvier. Quatre candidats se sont officiellement manifestés : Frédéric Beauchemin; Denis Coderre, ex-maire de Montréal; Marc Bélanger, avocat, et enfin Charles Milliard, ancien président de la Fédération des chambres de commerce du Québec. Cet été, les rumeurs allaient également bon train au sujet de Pablo Rodriguez, qui se préparerait à annoncer sa candidature. Son arrivée pourrait créer une dynamique intéressante alors que le Parti libéral du Québec évoque de plus en plus la possibilité de prendre ses distances par rapport aux libéraux fédéraux. Le nouveau chef sera élu le 19 juin 2025.

De son côté, le Parti Québécois, avec ses quatre députés, aura du pain sur la planche cette session. Paul St-Pierre Plamondon, chef du parti, a défini cinq thèmes sur lesquels son parti se concentrera : les soins de santé, l’immigration, Hydro-Québec, Northvolt et le déficit de 11 milliards de dollars de la CAQ. M. Plamondon a également annoncé des changements parmi les porte-paroles de son parti. Pour sa part, il s’est attribué le dossier de l’immigration, signe qu’une plus grande attention sera portée à cette question.

Les prochaines élections générales sont prévues en octobre 2026. La CAQ arrive donc à mi-parcours de son mandat. Le gouvernement s’efforcera de respecter ses priorités et ses principaux engagements en matière de santé, d’immigration et de décarbonation. Au cours des prochains mois, les négociations avec les travailleurs de la santé, les efforts visant à réduire le nombre de travailleurs étrangers temporaires dans la province et l’étude du projet de loi 69 sur la réforme énergétique devraient être au centre des préoccupations. La législature siégera jusqu’au 6 décembre.

  • Semaines de séances : du 10 septembre au 6 décembre 2024
  • Période de travaux intensifs de l’Assemblée : du 26 novembre au 6 décembre
  • Vacances d’hiver : du 7 décembre au 27 janvier 2025
  • Prochaine élection (date fixe) : le 5 octobre 2026

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