• Juin 28, 2021
  • Perspectives

Relâche des travaux parlementaires pour l’été – Tandis que la rumeur d’une élection s’intensifie

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Introduction

Le 23 juin dernier, la Chambre des communes a ajourné ses travaux pour l’été, ce qui marque la fin d’une session marquée par une recrudescence de la partisanerie politique, la clôture de débats sur des projets de loi clés et les habituelles allégations habituelles de dysfonctionnement parlementaire entre les partis dans la course jusqu’à la ligne d’arrivée législative. Le Sénat siègera encore un peu pour se pencher sur les projets de loi qui lui ont été remis par la Chambre juste avant son ajournement. Le temps pressait particulièrement en cette fin de session puisque la 43e législature pourrait bien s’arrêter là si, comme le veut la rumeur, des élections étaient effectivement déclenchées cet automne.

Gestion de la pandémie et programme fédéral

Lorsque le Parlement a repris ses travaux après les Fêtes, fin janvier, la deuxième vague de la pandémie de COVID-19 avait atteint son pic et reculait rapidement tandis que la campagne de vaccination commençait. Le gouvernement fédéral espérait avoir enfin l’occasion de se concentrer sur un plan de relance économique pendant le premier semestre de 2021, puis retourner à son programme global.

En février et début mars, la livraison des vaccins a pratiquement été interrompue en raison de problèmes d’approvisionnement. Fin mars, une troisième vague, alimentée par de nouveaux variants, gagnait du terrain dans tout le pays. Alors que le nombre d’hospitalisations et d’admissions dans les unités de soins intensifs augmentait, dans les provinces les plus touchées, les gouvernements ont mis en place des mesures rigoureuses de confinement et d’autres restrictions visant à protéger la santé publique. L’activité économique s’en est trouvée gravement réduite, la relance a été retardée et le gouvernement fédéral s’est à nouveau concentré sur la gestion de la pandémie.

Cet été, la pandémie continuera d’occuper le devant de la scène, la prudence étant de mise face à l’émergence rapide du variant Delta :

  • En tout, 75 % de la population canadienne a reçu une première dose du vaccin et plus de 20 % des Canadiens étaient entièrement immunisés en date du 21 juin. En juin et juillet, d’importantes cargaisons de vaccins doivent être livrées partout au pays. Pour l’instant, la priorité des provinces est donc de terminer la première campagne de vaccination (1re dose) et de faire progresser la seconde (2e dose).
  • Alors que la troisième vague de la pandémie est derrière nous, les provinces continuent d’annoncer l’assouplissement des mesures sanitaires et la réouverture de secteurs de l’économie – plus rapide pour certains secteurs que pour d’autres.
  • Lors de la récente réunion du G7 au Royaume-Uni, le Canada s’est engagé à envoyer un total de 100 millions de doses aux pays du deuxième et du tiers monde. Quatre-vingt-sept millions de doses ont déjà été promis grâce au financement déjà annoncé et les 13 millions de doses restantes ont été achetés plus tôt par le Canada auprès de COVAX, le programme mondial de partage des vaccins, et seront remplacés dans cette réserve.
  • À compter du 5 juillet, les Canadiens et les résidents permanents complètement immunisés pourront entrer au Canada sans être obligés de se plier à une quarantaine. Avant leur arrivée, les voyageurs devront saisir les renseignements relatifs à leur vaccination dans l’application ArriveCAN, répondre aux exigences en matière de tests de COVID-19, n’avoir aucun symptôme et disposer d’un plan de quarantaine approprié, le cas échéant.
  • D’autres mesures de réouverture des frontières devront attendre encore plusieurs semaines. Les restrictions sur les voyages internationaux non essentiels ont récemment été prolongées jusqu’au 21 juillet, mais l’impatience grandit tant au Canada qu’aux États-Unis pour que les gouvernements publient des plans explicites de réouverture de la frontière terrestre entre les deux pays. Attendez-vous à de nouvelles annonces sur une réouverture progressive de la frontière juste avant le 21 juillet.
  • Le public exerce une pression accrue sur les gouvernements canadiens pour qu’ils précisent leurs intentions quant aux preuves de vaccination. Malgré les appels répétés des premiers ministres provinciaux, le gouvernement fédéral a récemment déclaré qu’il ne mettrait pas en place un système centralisé de confirmation des vaccins avant l’automne. La situation est compliquée par le fait que plusieurs États américains ont interdit l’utilisation de ces passeports. Le premier ministre de l’Alberta, Jason Kenney, a déjà déclaré que sa province ne les utiliserait pas.
  • Les responsables de la santé publique continuent de surveiller de près le développement du variant Delta, tandis que les chercheurs évaluent jusqu’à quel point les vaccins existants pourraient prévenir ou contrôler les cas d’infections par ce variant. Les premières données semblent prometteuses.

Budget 2021

Le budget fédéral de Justin Trudeau, présenté le 19 avril dernier, visait à régler une série de problèmes :

  • Offrir un soutien financier supplémentaire aux secteurs, aux entreprises et aux particuliers les plus durement frappés par la troisième vague de la pandémie.
  • Présenter un plan crédible de relance de l’économie après la pandémie et s’attaquer à de nombreuses iniquités de la société canadienne mises en évidence par le virus, et ce, tout en respectant des niveaux de déficit et de dette viables.
  • Continuer à enregistrer des progrès en vue d’atteindre les grandes priorités mises de l’avant par les libéraux lors de leur campagne électorale, en 2019.

Le gouvernement a donc présenté un plan ambitieux doté d’énormes sommes discrétionnaires. Outre le prolongement des programmes d’aide pendant la pandémie, dont le coût s’élève à environ 16 milliards de dollars pour l’exercice en cours, le budget prévoit des dépenses d’environ 75 milliards de dollars pour la réalisation d’au moins 270 initiatives n’étant pas liées au programme de lutte contre la COVID.

La pièce maîtresse du budget était sans aucun doute le plan de services de garde du gouvernement fédéral, assorti d’un montant pouvant atteindre 30 milliards de dollars au cours des cinq prochaines années, et d’un financement permanent de 8,3 milliards de dollars. Le budget prévoit également 18 milliards de dollars de nouveaux fonds pour les communautés autochtones, 16 milliards de dollars sur cinq ans pour les petites et moyennes entreprises, 9 milliards de dollars sur six ans pour les travailleurs à faible revenu et plus de 2 milliards de dollars sur sept ans pour la croissance du secteur des sciences de la vie.

Si les économistes ont d’abord bien réagi au budget, certains ont par la suite formulé des critiques portant sur deux principaux aspects : l’ampleur et la portée des dépenses de relance visant à soutenir la consommation et leurs répercussions sur le déficit, la dette et l’inflation, ainsi que l’absence d’une stratégie de croissance disciplinée et complète pour accroître la productivité et augmenter la capacité de l’économie à produire ultérieurement des biens et des services. Le 19 mai, Statistique Canada a indiqué que le taux d’inflation au Canada avait augmenté en avril pour atteindre un taux annuel de 3,4 %, soit la plus forte hausse depuis mai 2011.

Dans ce budget, le gouvernement s’engage à dépenser d’énormes sommes d’argent. Ceci, combiné à la probabilité d’une élection plus tard cette année, a posé des difficultés bien réelles quant à la possibilité de mettre rapidement en œuvre le budget. Le volume même des initiatives risque d’engorger le système fédéral, car les nouvelles modalités des programmes et les nouveaux accords de contribution doivent être élaborés dans des délais très serrés. Les responsables fédéraux ont récemment demandé aux parties prenantes de soumettre leurs « demandes » et leurs propositions au gouvernement dans les plus brefs délais.

Relations fédérales, provinciales et territoriales

La pandémie a obligé les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux à collaborer étroitement et à coordonner leurs approches comme jamais auparavant. Pendant la majeure partie de l’année 2020, cette collaboration forcée a donné lieu à l’émergence d’une approche « Équipe Canada », généralement caractérisée par des relations amicales et de soutien mutuel entre les deux ordres de gouvernement. En date du 17 juin, le premier ministre et les premiers ministres provinciaux avaient tenu 32 téléconférences pour coordonner la réponse du Canada à la COVID-19.

Pendant la deuxième et troisième vague, les gouvernements provinciaux ont subi des pressions accrues pour imposer de nouvelles restrictions à l’activité économique et d’autres mesures de confinement. Les relations fédérales-provinciales ont alors connu des tensions tout à fait prévisibles liées notamment aux questions suivantes : le retard des livraisons de vaccins commandés par le gouvernement fédéral; la volonté du gouvernement fédéral d’adopter des normes nationales en matière de gestion des foyers de soins de longue durée (administrés par les provinces), et les différends concernant la gestion fédérale des questions frontalières liées à la pandémie.

En outre, à plusieurs reprises, les premiers ministres ont demandé au gouvernement fédéral d’accroître considérablement les transferts fédéraux en santé. Justin Trudeau a répondu en promettant plus d’argent, mais pas avant la fin de la pandémie. Le gouvernement pourra se vanter d’avoir fait rapidement avancer le dossier phare de son budget – les services de garde d’enfants – seulement si les négociations avec les provinces s’avèrent fructueuses.

Le programme législatif du gouvernement

En vertu de la répartition actuelle des sièges à la Chambre des communes, il suffisait au gouvernement minoritaire de Justin Trudeau de compter sur le soutien d’un seul parti d’opposition pour faire adopter un projet de loi, une motion ou un test de confiance. Récemment, le gouvernement a eu recours à la tactique du partenariat avec un seul parti politique pour faire avancer les projets de loi.

Depuis le début de la plus récente session législative (débutant en septembre 2020), avec l’appui de tous les membres de l’opposition, le gouvernement a approuvé plusieurs mesures de lutte contre la COVID-19 et des mises à jour au programme d’assurance-emploi du Canada (projets de loi C-4, C-9, C-14, C-24), ainsi que des projets de loi de crédits nécessaires au financement des activités du gouvernement (C-16, C-17, C-26, C-27, C-33 et C-34). Le premier groupe de projets de loi a bénéficié d’une unanimité liée au contexte politique, tandis que le dernier groupe (tous les projets de loi de confiance) est en grande partie pro forma et comporte des délais intégrés favorisant une adoption rapide. La Chambre a également adopté à l’unanimité un projet de loi sur la formation des juges fédéraux sur le droit relatif aux agressions sexuelles (C-3).

Le gouvernement a également adopté des modifications à la loi sur l’aide médicale à mourir (projet de loi C-7), comme l’exigeait la Cour supérieure du Québec, la loi nécessaire à la mise en œuvre de l’accord de continuité commerciale avec le Royaume-Uni après le Brexit (projet de loi C-18), et la loi de retour au travail (C-29) visant le port de Montréal, le tout avec un appui négocié avec au moins un autre parti.

Plus récemment, l’horrible découverte des restes de 215 enfants autochtones dans un pensionnat de Kamloops – et la découverte ultérieure de 751 autres tombes dans le sud-est de la Saskatchewan – a exercé une pression supplémentaire sur le Parlement pour qu’il adopte des lois relatives à la réconciliation avec les peuples autochtones et aux 94 appels à l’action de la Commission de vérité et de réconciliation (CVR). Au cours des dernières semaines de la session parlementaire, des projets de loi répondant à deux des appels à l’action de la CVR (C-5 et C-8) ont été adoptés. De plus, le projet de loi C-15 a maintenant reçu la sanction royale. Cette loi oblige le gouvernement à s’assurer que les lois du Canada sont conformes à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.

Avec le peu de temps qui lui restait vers la fin de la session parlementaire, le gouvernement Trudeau a donné la priorité à quatre textes législatifs clés : C-6 (interdiction de la thérapie de conversion), C-10 (modernisation de la Loi sur la radiodiffusion du Canada), C-12 (établissement d’objectifs d’émissions nettes nulles) et C-30 (loi d’exécution du budget).

Si les derniers jours de la session parlementaire ont été marqués par une rhétorique d’obstruction et des tactiques procédurales de la part de tous les partis, les quatre projets de loi ont été adoptés par la Chambre des communes et sont maintenant examinés par la Chambre rouge. Les projets de loi C-12 et C-30, qui ont tous deux déjà fait l’objet d’un examen approfondi en comité du côté du Sénat, seront presque certainement adoptés. Cependant, les projets de loi C-6 et C-10 n’ont pas reçu le même type d’étude préalable en comité sénatorial, ce qui pourrait entraver leur progression. Il est officiellement prévu que le Sénat siège seulement jusqu’au 29 juin 2021, mais il pourrait décider de prolonger son mandat.

Étant donné que le Sénat n’a pas hésité dernièrement à renvoyer des amendements législatifs à la Chambre des communes, rien ne garantit que les projets de loi récemment adoptés par la Chambre franchissent toutes les étapes suivantes. Le projet de loi C-10 (sur Internet) a connu des moments difficiles à la Chambre et a dû être passablement réécrit. Il s’agit d’un exemple classique du type de projet de loi complexe que le Sénat a voulu modifier en profondeur. Si cette situation se produit, le premier ministre devra rappeler la Chambre des communes pour traiter les amendements du Sénat, ou laisser le projet de loi en suspens.

Parallèlement, les projets de loi visant à réviser la Loi sur la protection des renseignements personnels (C-11), à modifier la Loi électorale du Canada en réponse à la pandémie (C-19) et à mettre à jour la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (C-28) sont restés inscrits au Feuilleton. Le projet de loi C-21, qui porte sur le contrôle des armes à feu et qui a été présenté par les libéraux à la suite de la tragédie de la Nouvelle-Écosse, est également resté inachevé, bien que le ministre de la Sécurité publique, Bill Blair, ait annoncé que le gouvernement allait de l’avant avec l’élargissement de la vérification obligatoire des antécédents des demandeurs de permis d’armes à feu pour couvrir toute la durée de leur vie.

Dans les derniers jours de la session, le gouvernement Trudeau a également déposé deux nouveaux projets de loi : C-35 (un projet de loi visant à établir une nouvelle prestation canadienne pour personnes handicapées) et C-36 (un projet de loi visant à mieux protéger les Canadiens contre les discours haineux et les préjudices en ligne). On s’attend à ce que le projet de loi C-36 fasse partie d’un ensemble plus vaste de mesures législatives qui viseront à lutter contre les préjudices en ligne. Si la Chambre des communes reprend ses travaux le 20 septembre 2021, conformément au calendrier parlementaire, toute loi non adoptée pourra être reprise à ce moment-là. Si des élections sont déclenchées avant la rentrée parlementaire de septembre, tout projet de loi en suspens inscrit au Feuilleton s’éteindra, bien qu’il puisse être réintroduit comme nouveau projet de loi après les élections.

Il ne faut pas oublier que plusieurs projets de loi d’initiative parlementaire sont également passés par les deux chambres, notamment le projet C-218 (paris sportifs), le projet C-220 (congé de deuil) et le projet C-237 (cadre national pour le diabète).

Questions autochtones

Récemment, la Première Nation Tk’emlúps te Secwépemc, de Colombie-Britannique, et la Première Nation Cowessess, de la Saskatchewan, ont fait des révélations choquantes concernant la découverte, sur le terrain d’anciens pensionnats, de tombes non marquées contenant les restes de centaines d’enfants. Cette affaire aura une incidence considérable sur le programme politique national des prochains mois.

Cette découverte a jeté une lumière crue sur les retards accumulés par le gouvernement fédéral dans la mise en œuvre des nombreux appels de la Commission de vérité et réconciliation (CVR), dont le rapport remonte à 2015. Comme mentionné ci-dessus, le gouvernement a donc rapidement légiféré sur deux recommandations de la CVR et subit des pressions pour répondre à d’autres appels à l’action :

  • Le 3 juin, le gouvernement fédéral a publié sa réponse au rapport de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, déposé il y a deux ans, et le premier ministre a promis d’injecter la nouvelle somme de 2,2 milliards de dollars sur cinq ans pour mettre en œuvre des programmes ambitieux.
  • De plus, en juin, un règlement a été annoncé sur la question des « élèves externes », c’est-à-dire les élèves qui fréquentaient les pensionnats pendant la journée et qui avaient auparavant intenté un recours collectif pour être inclus dans l’accord de paiement couvrant les pensionnaires. Le gouvernement fédéral a maintenant offert 10 000 $ par élève externe.

Les questions soulevées par les révélations de Kamloops et de la Saskatchewan continueront d’être difficiles aussi bien sur le plan politique que social. Le gouvernement fédéral et certaines provinces ont commencé à verser des fonds aux communautés autochtones pour qu’elles puissent entreprendre des projets d’identification. Les gouvernements devront également répondre à des demandes d’aide financière pour effectuer les recherches archéologiques nécessaires sur les sites soupçonnés de contenir des restes d’enfants. En outre, des voix se sont élevées pour réclamer une enquête formelle et pour que les sites contenant des dépouilles soient traités comme des scènes de crime.

Pour l’Église catholique romaine, l’expérience des pensionnats indiens et les conclusions de la Commission de vérité et de réconciliation constituent un contentieux non résolu. Le 5 juin, le premier ministre s’est dit « profondément déçu » par l’absence d’excuses officielles de la part du pape et par la « résistance » de l’Église à divulguer certains documents sur les pensionnats. Le cardinal Thomas Collins, de Toronto, a rapidement répliqué que le premier ministre était « mal informé » et que ses commentaires étaient « injustes ».

Changements climatiques et environnement

Dès l’automne 2020, le gouvernement a présenté le projet de loi C-12 visant à atteindre la carboneutralité d’ici 2050. De plus, dans l’Énoncé économique de l’automne, il prévoyait une avance de 6,64 milliards de dollars sur les investissements dans la croissance propre. Le budget de 2021 prévoyait un montant supplémentaire de 17,6 milliards de dollars pour soutenir le projet d’accélérateur net zéro (ISDE) de 8 milliards de dollars et un large éventail de programmes qui permettront de financer le virage vers les énergies renouvelables et l’hydrogène à faibles émissions de carbone dans le secteur de la production d’énergie et de la fabrication; l’électrification des parcs de véhicules et la réduction des émissions provenant des bâtiments, ce qui comprend des investissements dans la rénovation des systèmes d’énergie des maisons.

La Banque de l’infrastructure du Canada est également essentielle à un avenir plus vert, ses investissements étant désormais surtout axés sur l’électricité verte, l’Internet à large bande (l’Internet présente des avantages pour le climat) et le transport en commun (électrique). En outre, des consultations sont en cours au sujet d’un programme d’incitation fiscale visant le captage, l’utilisation et le stockage du carbone (CCUS) et la production de biocarburants pour répondre à la Norme sur les combustibles propres.

Ces mesures, prises par le gouvernement fédéral, reflètent également une évolution plus large des marchés, qui s’éloignent du risque climatique à long terme pour se tourner vers des infrastructures et des industries plus durables et plus conformes aux critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG). Bon nombre des éléments du programme vert décrits dans le budget 2021 ne seront pas entièrement autorisés et mis en œuvre avant les élections prévues cet automne. Mais il est clair que le gouvernement, les entreprises (dont beaucoup ont également déclaré des objectifs de consommation carboneutre d’ici 2050) et les investisseurs ne se focalisent plus sur la rhétorique et les débats politiques, mais sur la mise en œuvre et les investissements transformationnels.

Au cours de la dernière session, les libéraux ont également signalé leur intention de se concentrer sur les changements qui doivent être apportés à la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (LCPE) afin de réduire l’utilisation des plastiques et de passer à une économie circulaire.

Le gouvernement fédéral n’a jamais consacré autant de fonds à la transition vers un avenir net zéro. La question est de savoir comment le gouvernement peut tirer parti de ses investissements pour stimuler le commerce et l’investissement afin d’atteindre les objectifs ultimes de l’Accord de Paris. Étant donné que la conférence des Nations Unies sur les changements climatiques (COP 26) aura lieu à Glasgow en novembre, celui qui remportera les élections qui auront probablement lieu cet automne devra se présenter avec un plan de lutte contre les changements climatiques à la hauteur des ambitions de l’administration Biden et de l’élan mondial visant à faire des pas de géants au cours des dix prochaines années et après.

Partis politiques

Les libéraux

La livraison des vaccins s’est intensifiée récemment, ce qui a amélioré la perception du public quant à la manière dont les libéraux gèrent la pandémie. Bien que le budget fédéral n’ait pas retenu l’attention du public pendant très longtemps, les nombreux engagements et initiatives prévus par le gouvernement pourraient être transformés en promesses électorales en cas de déclenchement des élections cet automne. Le premier ministre s’est récemment bien tiré de la troisième enquête dont il a fait l’objet de la part du commissaire fédéral à l’éthique (la dernière ayant été provoquée par la controverse sur la fondation WE Charity) et cette affaire ne fait plus de vagues.

Au cours des derniers mois, la crise de l’inconduite sexuelle au sein des Forces armées canadiennes s’est aggravée, car de nouvelles révélations ont forcé de nombreux officiers supérieurs à démissionner. Malgré deux rapports détaillés de juges à la retraite de la Cour suprême, le gouvernement a tardé à modifier le système de justice militaire pour lui permettre de mieux traiter les allégations d’inconduite sexuelle et de répondre aux droits et aux besoins des victimes. Cette réticence constitue une remise en cause directe de la réputation du premier ministre en tant que champion des questions féminines, surtout quand on entend dire que le ministre de la Défense aurait choisi de ne pas être mis au courant des allégations d’inconduite sexuelle.

Le 18 juin, une majorité de députés (169 voix contre 151) ont appuyé une motion de censure visant le ministre de la Défense, Harjit Sajjan, pour sa piètre gestion de la crise des inconduites sexuelles dans les Forces armées canadiennes et d’autres manquements perçus au cours des six années de son mandat. Quatre jours plus tard, l’ombudsman militaire, Gregory Lick, a publié un rapport cinglant qui jette des salves contre le ministre Sajjan et accuse le gouvernement de passivité face à la crise des inconduites sexuelles. Ce rapport dénonce également les mécanismes internes censés aider les victimes, mais qui ont échoué à le faire. Selon Gregory Lick, ces mécanismes sont non seulement défectueux, mais ils se sont entièrement effondrés sous leur propre poids.

La Chambre des communes a adressé au gouvernement une réprimande importante sur le plan symbolique. En effet, par un vote majoritaire appuyé par des députés de tous les partis, la Chambre a déclaré l’Agence de la santé publique du Canada (ASPC) coupable d’outrage au Parlement pour avoir refusé de lui communiquer des documents non caviardés sur le licenciement de deux scientifiques liés à la Chine qui travaillaient au Laboratoire national de microbiologie, à Winnipeg. En guise de contestation, le chef conservateur O’Toole a retiré les députés conservateurs siégeant au Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement.

Le 21 juin, le président de l’ASPC, Iain Stewart, a été convoqué à la barre de la Chambre pour être formellement réprimandé par le président. Sur les conseils du ministère de la Justice, il a de nouveau refusé de produire les documents. Le gouvernement fédéral a depuis déposé une demande auprès de la Cour fédérale pour tenter de forcer le président de la Chambre, Anthony Rota, à exiger que les documents restent secrets. Entre-temps, on a demandé à ce dernier d’ordonner une nouvelle résolution (ce qui serait la cinquième ordonnance de la Chambre des communes dans cette affaire) : cette fois, il s’agit d’ordonner une saisie des documents que l’ASPC refuse de remettre volontairement. L’ajournement de l’été est survenu juste avant que le président ne se prononce sur cette éventuelle ordonnance de perquisition et de saisie.

Les conservateurs

Lors du congrès d’orientation des conservateurs en mars, le chef Erin O’Toole a été embarrassé par les membres du parti qui ont voté contre une résolution affirmant que « les changements climatiques sont bien réels ». En avril, M. O’Toole annonçait un nouvel ensemble de politiques climatiques ralliant son parti au principe de tarification du carbone et promettait de conserver le système libéral de tarification fondé sur le rendement pour les grands émetteurs, la norme relative au combustible propre (sous un autre nom) et le mandat des véhicules à émission zéro.

Bien que ce changement de politique ait généralement été accueilli favorablement par les groupes environnementaux et les médias, il a froissé de nombreux partisans conservateurs. Erin O’Toole et son cabinet n’avaient pas consulté les membres du caucus avant cette annonce, ce qui a été mal vu.

Lorsque les vaccins ont été disponibles en abondance et que des millions de Canadiens ont fait la queue pour être vaccinés, M. O’Toole a cessé de remettre en question les compétences du premier ministre en matière de gestion de la pandémie. Par ailleurs, le parti a encore eu de la difficulté à accommoder son aile sociale conservatrice, dont les adeptes au sein du caucus continuent de soulever des questions délicates que les autres partis se feront un plaisir de retourner contre les conservateurs dès la prochaine campagne électorale.

Dans l’ensemble, M. O’Toole a connu un printemps difficile et plusieurs ont remis en question son leadership, aussi bien au congrès qu’au sein du caucus. Ce phénomène multiplie les doutes sur ses chances lors des prochaines élections.

Le NPD

Pendant toute la session qui vient de s’achever, le gouvernement a pu compter sur l’appui du NPD à de nombreuses reprises. En échange de son soutien aux programmes d’aide mis en place pendant la pandémie, le NPD a demandé l’adoption d’autres mesures pour faire avancer des dossiers qui lui sont chers, notamment la réconciliation avec les Autochtones, la lutte contre le racisme et l’assurance-médicaments.

Ces initiatives ont rehaussé le profil du chef du NPD, Jagmeet Singh, auprès du public, notamment sur les questions « progressistes » et de compassion. M. Singh a également pu être réconforté par la tourmente qui a récemment divisé le Parti vert au sujet du conflit israélo-palestinien. Le NPD a déjà été confronté à des scissions similaires, mais grâce à sa maturité et à son personnel chevronné, il a pu aplanir les divisions menaçantes qui n’étaient pas réellement liées aux grandes préoccupations politiques du parti.

Le Bloc Québécois

Alors que la session touchait à sa fin, le Bloc a imposé un vote sur le projet de loi 96 du Québec. Ce projet de loi, présenté par le gouvernement Legault, affirme que les Québécois constituent une nation et que le français est la seule langue officielle du Québec. Le projet de loi restreint également certains des droits linguistiques des anglophones et allophones. La motion du Bloc visant à approuver le projet de loi 96 a été adoptée par la Chambre des communes le 15 juin par un vote de 281 contre 2, avec d’importantes abstentions : Libéraux – 29, Conservateurs – 19, NPD – 5, plus la députée du Parti vert Elizabeth May.

Le Bloc a proposé cette motion afin d’amener les autres partis aux Communes à se prononcer sur le projet de loi 96. Devant l’appui généralisé des Québécois à ce projet de loi, tous les chefs de parti (libéraux, conservateurs, néodémocrates et Parti Vert) ont fait preuve de prudence dans leurs réactions, y compris par rapport aux critiques lancées par les anglophones et les allophones du Québec. La question de savoir si le gouvernement du Québec peut modifier unilatéralement la constitution canadienne, ce que le projet de loi 96 cherche à faire à certains égards, reste à débattre. Cela signifie qu’il pourrait y avoir une contestation judiciaire en fin de compte.

Le Parti vert

Dans les derniers jours de la session parlementaire, une dispute publique acrimonieuse a éclaté au sein du Parti vert au sujet du leadership d’Annamie Paul. L’affaire a commencé lorsque la députée de Fredericton, Jenica Atwin, a déclaré soutenir fermement les Palestiniens dans leur récent conflit avec Israël. Le directeur intérimaire des communications de Mme Paul, Noah Zatzman, a répondu de manière intempestive qu’il veillerait au remplacement de Mme Atwin et à sa défaite lors une éventuelle élection. Mme Atwin a ensuite quitté le Parti vert pour se joindre aux libéraux, après quoi elle a rapidement mesuré ses propos propalestiniens.

À l’issue d’une réunion d’urgence tenue le 16 juin, le conseil national du parti a menacé Mme Paul d’un vote de défiance si elle ne répudiait pas M. Zatzman, que de nombreux membres du parti tiennent pour responsable de la défection de Mme Atwin chez les libéraux. La chef a ensuite répondu par une conférence de presse incendiaire au cours de laquelle elle a accusé les membres du conseil national de racisme et de misogynie dans leurs critiques de son leadership, et a attaqué de manière cinglante la vice-première ministre, Chrystia Freeland, en tant que « bouclier féminin » du premier ministre contre la performance médiocre de ce dernier sur les questions relatives aux femmes.

Il est clair que la direction du Parti vert est loin d’être sortie de la tourmente.

Vers une élection?

Sondages d’opinion

Le CBC Poll Tracker présente la moyenne des résultats de récents sondages d’opinion publique nationaux. Depuis le début de l’année, cet outil montre que le soutien aux cinq partis a connu des changements marginaux, mais que de nouvelles tendances voient le jour depuis quelque temps, avec des écarts parmi les sondeurs :

  • Le soutien aux libéraux a été relativement stable, mais il a récemment augmenté pour atteindre une moyenne de 35,2 %, par rapport à 33,1 % en 2019. Deux sondages récents de Nanos et Abacus indiquent que les libéraux recevraient 37 % des suffrages.
  • Le soutien moyen aux conservateurs a chuté à 29,8 % ce qui est nettement inférieur aux 34,3 % qu’ils ont récoltés lors de la dernière élection. Nanos et Abacus ont récemment mesuré le taux d’appui aux conservateurs et il semblerait encore plus bas, entre 25 % et 27 %.
  • Tout au long de 2021, l’appui au NPD est resté relativement stable, entre 17 % et 18 %, mais certains sondages récents montrent un bond à 21 %.
  • Le soutien au Bloc québécois et au Parti vert n’a pas enregistré de changements marqués.

Dans une Chambre des communes comptant quatre partis importants, il faut être particulièrement attentif aux analyses régionales pour prévoir l’issue d’une élection. Il faut en effet savoir où la lutte s’annonce serrée et déterminer « l’efficacité » des votes attribués aux partis – c’est-à-dire évaluer si le soutien accordé à un parti est fortement concentré dans des régions où il pourrait donner lieu à des « votes gaspillés » ou s’il est réparti plus uniformément dans l’ensemble du pays.

Selon un récent sondage d’Abacus, les libéraux jouissent d’un appui solide en Ontario (42 %) et dans la région de l’Atlantique (44 %). Les conservateurs restent forts dans les Prairies malgré une avancée du NPD, mais la compétition est très serrée en Colombie-Britannique : le Parti conservateur arrive en tête avec 34 % des intentions de vote, suivi du NPD (30 %) et du Parti libéral (28 %). Au Québec, Abacus donne une mince avance au Bloc avec 35 % des intentions de vote, devant les libéraux (34 %), les conservateurs (14 %) et le NPD (10 %). Dans cette province, de tels résultats rappelleraient ceux de 2019. Toutefois, le Bloc augmenterait un peu ses appuis aux dépens des conservateurs.

En général, les sondages actuels montrent que les libéraux pourraient atteindre la majorité, mais ce n’est pas gagné d’avance.

Les chefs aux yeux du public

De récents sondages montrent que Justin Trudeau a toujours la cote comme premier ministre. Pourtant, les différents chefs divisent l’opinion publique et la population demeure sur ses gardes. Cela témoigne d’un environnement politique très compétitif où, selon Abacus, le premier ministre a autant d’appuis que de détracteurs (39 %) et laisse un cinquième de l’électorat indécis à son égard.

Les électeurs se montrent particulièrement réticents à l’égard du chef des conservateurs, Erin O’Toole, qui obtient 45 % d’indécis ou qui « ne savent pas », 36 % d’appuis négatifs et 19 % d’appuis positifs. Cela démontre qu’il n’a pas réussi à renforcer sa base depuis le début de son mandat comme chef du parti. Le leader du NPD, Jagmeet Singh, compte actuellement sur 32 % d’appuis positifs contre 26 % d’appuis négatifs et 42 % d’indécis. Récemment, Abacus a également établi que M. Singh est le favori des moins de 30 ans. Il arrive en deuxième position chez les électeurs âgés de 30 à 44 ans.

Contexte électoral

Entre 1963 et 2019, le Canada a eu sept gouvernements minoritaires, qui sont demeurés au pouvoir durant 24 mois en moyenne. Le parlement actuel aura deux ans le 21 octobre prochain.

Selon l’opinion publique (la pandémie étant un facteur déterminant), il est raisonnable d’envisager la possibilité d’une élection fédérale cet automne. Pour que cela se produise, le gouvernement devra déclencher le processus électoral. Il faudra que le premier ministre rencontre le gouverneur général et recommande la dissolution du Parlement. Étant donné l’évolution de la planification électorale, il est probable que cela se produise dès la mi-août. La période électorale doit durer au moins 36 jours.

Préparation au sein des partis

Au 25 juin, les partis ont nommé 514 candidats, y compris des députés sortants, en vue des prochaines élections, peu importe quand elles auront lieu. Chaque parti a permis à ses députés sortants de se représenter automatiquement, sous certaines conditions. Jusqu’ici, 18 d’entre eux ont confirmé qu’ils ne participeront pas aux prochaines élections.

Actuellement, les conservateurs mènent le bal du financement, en ayant amassé 8,4 millions de dollars auprès de plus de 45 000 donateurs durant le premier trimestre de 2021. Les libéraux traînent derrière avec 3,5 millions de dollars obtenus grâce à plus de 33 000 dons.

À l’heure actuelle, voici où les partis se situent sur le plan des nominations :

  • Les libéraux ont nommé 175 candidats, y compris 130 députés sortants. Pour l’instant, sept députés libéraux ont confirmé qu’ils ne brigueraient pas un nouveau mandat. De plus, les libéraux ont récemment fait une déclaration « d’urgence électorale », qui permet au parti de changer les règles concernant la sélection des candidats pour accélérer le processus de nomination.
  • Les conservateurs ont nommé 201 candidats, dont 113 députés sortants. La nomination de ces derniers est assurée pourvu qu’ils atteignent les objectifs préétablis en matière de financement. Six députés sortants du PCC ne seront pas candidats aux prochaines élections.
  • Le NPD a pour l’instant nommé 91 candidats, y compris 22 députés sortants. Le parti doit également confirmer 33 nouvelles candidatures avant le mois de juillet. Un prêt de 22 millions de dollars sera nécessaire pour financer un budget électoral de 24 millions de dollars.
  • Le Bloc a nommé 43 candidats, y compris les députés sortants.
  • Le Parti vert a confirmé la nomination de quatre candidats jusqu’ici, y compris leurs deux députés sortants. La cheffe du parti, Annamie Paul, tentera à nouveau de se faire élire dans sa circonscription, Toronto-Centre, après être arrivée deuxième derrière Marci Ien lors de l’élection partielle, l’an dernier. L’ancienne cheffe du parti, Elizabeth May a indiqué qu’elle sera candidate dans sa circonscription actuelle de Saanich Gulf Islands.

Engagements électoraux possibles

C’est extrêmement risqué, voire imprudent, de tenter de prédire le résultat d’un scrutin. Certaines élections sont monotones et sans histoire, mais d’autres surprennent en raison d’erreurs, d’accidents ou d’enjeux imprévus qui prennent de l’ampleur au point de dominer la campagne.

Les libéraux miseront probablement sur leur gestion de la pandémie, notamment leur capacité à soutenir la population et diriger le pays en cette période très exigeante. Ils souhaiteront voir les électeurs récompenser leurs réussites et oublier leurs erreurs. Ils mettront sans doute l’accent sur le plan de relance économique énoncé dans le budget de 2021, en mentionnant l’importance de leurs récentes initiatives en matière de changements climatiques et leurs projets d’avenir. Là où ils devront se défendre, c’est au sujet de leurs manquements éthiques et de leur piètre performance dans le dossier de la réconciliation avec les peuples autochtones, notamment leur incapacité à respecter les engagements déjà pris. C’est sans compter leur inertie face aux cas d’inconduite sexuelle dans les Forces armées canadiennes.

En prenant part pour la première fois à une élection fédérale à titre de nouveau chef d’un parti plutôt divisé, Erin O’Toole est sur la corde raide. Si les conservateurs tardent à présenter une solution concrète au plan de gouvernance actuel, l’adoption récente d’un système de tarification du carbone pourrait aider le parti de M. O’Toole en région urbaine. En revanche, étant donné le nombre d’adeptes du conservatisme social au sein de son caucus et la tendance marquée de certains conservateurs à favoriser les intérêts de leur base d’électeurs, son parti demeure vulnérable à des attaques prévisibles des libéraux, du NPD et du Bloc. Le fait de reprocher aux conservateurs d’avoir des « intentions cachées » s’est avéré efficace lors d’élections précédentes.

Le chef du NPD, Jagmeet Singh, s’est montré efficace durant la campagne électorale de 2019. Cette fois-ci, il a l’avantage d’avoir donné son appui aux communautés les plus vulnérables du pays depuis le début de la pandémie. Il peut également se vanter que son parti, par son soutien, a contribué au nombre et à la qualité des mesures législatives clés prises par le gouvernement pendant la pandémie. M. Singh cherchera probablement à tirer parti de ce bilan pour disputer au premier ministre un soutien accru de la part des électeurs progressistes. Enfin, il ne manquera pas de faire pression sur les libéraux au sujet du logement.

Le Bloc Québécois fera du projet de loi 96 du Québec son cheval de bataille. Il tentera ainsi de déstabiliser les chefs et les candidats des partis fédéralistes en les incitant à se prononcer concrètement sur l’effet potentiellement néfaste de cette loi dans les communautés anglophones et allophones. Comme il y a environ un million d’électeurs québécois anglophones réunis au sein de 24 circonscriptions fédérales, le Parti libéral et le NPD subiront beaucoup de pression pour dénoncer cette loi.

Même si les querelles au sein du Parti vert ont diminué, la plupart des observateurs estiment que le parti n’a pas réglé tous ses problèmes. Les Verts obtiennent habituellement 7 % à 8 % des voix, ce qui n’est pas énorme, mais ils sont forts dans une poignée de circonscriptions. Si leurs problèmes leur coûtent des votes au profit d’autres partis, ce pourrait être décisif là où la course s’annonce serrée. Tout indique que les libéraux et le NPD en bénéficieraient.

L’humeur du pays

Au cours des quinze derniers mois, la population canadienne a connu un niveau sans précédent d’ingérence gouvernementale. La vie professionnelle et personnelle de millions de personnes a été mise en veilleuse et sérieusement perturbée, des entreprises et des emplois ont été perdus et les libertés individuelles ont été restreintes, tout cela pour combattre et enrayer la propagation du virus de la COVID-19.

Certes, on peut reconnaître que le gouvernement fédéral a agi promptement et généreusement pour protéger la population canadienne des conséquences économiques de la pandémie. Cependant, tous les ordres de gouvernement ont fait l’objet de critiques, parfois acerbes, pour avoir agi trop lentement, trop rapidement et de façon sévère ou incomplète pour contenir le virus et protéger le public. De plus, le gouvernement fédéral, qui n’était pas bien préparé à la pandémie, a été incapable d’anticiper le danger (fermeture tardive de la frontière, manque désastreux d’équipement de protection personnelle et incompréhension face à la propagation du virus). Il a fait preuve d’incohérence dans ses conseils à la population : par exemple, la confusion entourant l’efficacité des masques et les désaccords fréquents entre le Comité consultatif national de l’immunisation et Santé Canada quant à l’efficacité, l’utilisation et les dangers du vaccin AstraZeneca.

La pandémie a également révélé des lacunes considérables en matière d’équité au sein de groupes vulnérables de la société, notamment les femmes, les jeunes, les Autochtones et les Métis, les personnes ayant un handicap et les résidents d’établissements de soins de longue durée. Une partie de la population saute de joie à l’idée de voir « la lumière au bout du tunnel », mais d’autres ont vu leur entreprise périr durant le confinement ou ont été contraints de quitter un emploi pour s’occuper de leurs enfants en raison de la fermeture des écoles. Après cette pandémie, l’humeur de la population est plutôt empreinte d’ambivalence et reste complexe.

Aux yeux de millions de Canadiens, la découverte de centaines de tombes non marquées a montré comme jamais auparavant le caractère horrible des atrocités commises dans les pensionnats autochtones. En outre, le meurtre récent de quatre citoyens canadiens musulmans dans ce qui semble avoir été une attaque raciste et terroriste ciblée a rappelé à la population que le Canada n’est pas la contrée paisible et harmonieuse à laquelle nous aspirions tous.

Il est difficile de dire comment toutes ces préoccupations et irritations se manifesteront lors des prochaines élections, mais on peut affirmer sans risque de se tromper que la frustration pourrait exacerber le caractère incertain de l’élection et donner lieu à des échanges enflammés durant la campagne.

Enfin, il est utile de rappeler qu’une élection présente des risques pour chaque parti. Il y a des années, un journaliste a demandé au premier ministre britannique Harold MacMillan ce qui était le plus susceptible de déstabiliser un gouvernement en période électorale. Sa réponse est bien connue : « les événements, mon garçon, les événements ! ». Bref, ce sont les enjeux imprévus qui peuvent surprendre et confondre les chefs et leur parti.

La convention de transition

La convention de transition est un ensemble de règles et de lignes directrices qui, pendant une période électorale, limitent temporairement le champ d’action du gouvernement dans la gestion des affaires du pays. La période de transition commence dès que le Parlement est dissous et prend fin avec l’assermentation d’un nouveau gouvernement ou quand les résultats d’une élection reportent un gouvernement sortant au pouvoir.

« Ainsi, dans la mesure du possible, en ce qui concerne les politiques, les dépenses et les nominations, le gouvernement doit se limiter, à la suite de la dissolution du Parlement, à prendre des décisions :

  • qui sont de nature courante ;
  • qui ne suscitent pas la controverse ;
  • qui sont urgentes et dans l’intérêt public ;
  • qui peuvent être annulées par un nouveau gouvernement sans entraîner des dépenses ou des perturbations indues ;
  • qui ont reçu l’agrément de l’opposition (dans les cas où la consultation est de mise). »

« En même temps, dans le but de respecter la convention de transition […], les ministres doivent :

  • reporter dans la mesure du possible certaines questions telles que les nominations, les décisions se rapportant à des politiques, les nouvelles dépenses ou autres initiatives, les annonces, les négociations ou consultations, l’adjudication de contrats et l’octroi de subventions et de contributions autres que ceux de nature courante ;
  • travailler de concert avec le sous-ministre pour faire en sorte que les activités courantes ministérielles soient menées de façon discrète ;
  • éviter de participer à des activités gouvernementales très médiatisées au pays et à l’étranger, comme des rencontres fédérales-provinciales-territoriales, des voyages internationaux et la signature de traités et d’accords. »

D’ici le début de la période de transition, le gouvernement fonctionnera normalement et mettra tout en œuvre pour respecter les promesses et les programmes du budget d’avril.

La période estivale sera critique pour les clients et les intervenants qui voudront faire avancer les dossiers et les décisions prévus dans le budget auprès des décideurs fédéraux œuvrant aussi bien dans la sphère politique que bureaucratique. Lorsque les dossiers concernent des gouvernements provinciaux, cette période s’annonce particulièrement importante pour les inciter à collaborer avec le fédéral afin de faciliter le traitement de dossiers clés. Certains clients voudront peut-être également profiter de cette période pour faire connaître aux responsables de la plateforme électorale des différents partis leur position relativement à certaines politiques.

En période électorale, les ministères ne présentent pas de nouvelles initiatives réglementaires et ne consultent pas d’intervenants pour élaborer de telles initiatives. En ce qui concerne les initiatives réglementaires déjà proposées, les ministères peuvent recevoir des commentaires du public et des intervenants durant toute la période de commentaires. De nouvelles consultations pourraient avoir lieu au cours des prochaines semaines. Ainsi, l’été pourrait être une bonne période pour formuler des réponses aux règlements et pour créer des coalitions entre intervenants en prévision de consultations à venir.

Aux portes de l’été

Avec une campagne de vaccination qui va bon train et un virus qui perd du terrain, impossible d’imaginer un été plus espéré que celui qui a commencé le 21 juin. Pendant tout l’été, Earnscliffe est là pour répondre à vos besoins en matière de relations gouvernementales, de communication et de recherche sur l’opinion publique, mais aussi pour vous fournir des conseils et des analyses sur tout ce que l’automne prochain nous réserve.